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Murcof – Cosmos

MURCOF – Cosmos
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MURCOF - CosmosLorsque l’espace n’était pas encore devenu l’immense dépotoir de morceaux de satellites et autres déchets astronomiques, et qu’il était le sujet d’un enthousiasme exploratoire et d’une mythologie enfiévrée, des réalisateurs comme Tarkovski parvenaient pourtant à y jeter le trouble, à y découvrir des dangers imprévus (allez voir Solaris). Depuis, surtout après le déferlement d’Aliens, Borg et autres Goa’uld, même la ferveur scientifique des séries télé a cédé la place le plus souvent à de sombres considérations cosmo-politiques et socio-extraterrestres, et l’angoisse est devenue tendance. Sur son troisième album signé Murcof, le Mexicain Fernando Corona tente de retrouver l’apesanteur innocente, la contemplation hallucinée des immensités vierges de toute intention malveillante ou plan de conquête de la Terre. Sans jamais perdre la gravité ou tomber dans la lounge-music. Malgré l’impression de décalage assez radical par rapport aux deux albums précédents, en écoutant "Cosmos" plus attentivement on commence à mieux comprendre l’évolution de cette musique : à la sortie du second album, "Remembranza", on remarquait plus les ressemblances que ce qui le distinguait du premier – "Martes". Maintenant on peut mieux identifier chaque choix fait par Corona. En commencant par le rythme (seule infime reproche qu’on pourrait adresser au premier album : une prolifération de "clics/blips" un peu conventionnels) qui, surtout après l’expérience parallèle sous le nom "Terrestre" a atteint les sommets du raffinement. Paradoxalement, sur "Cosmos" ils en arrivent même à disparaître, comme sur "Cuerpo Celeste" et les deux parties de "Cosmos". Autre choix : le minimalisme, toujours plus évident, après le mille-feuille baroque de "Martes" et l’équilibre néo-classique de "Remembranza". Pour ce qui est des sonorités, on retrouve l’élégance des instruments acoustiques (cordes, piano) sous le glacis electro, la sonorité des orgues (on se demande pourquoi on n’y pas pensé plus souvent en musique électronique, tant elle se marie bien avec celle des synthés) mais on découvre aussi avec surprise des teintes plus franches, des contrastes plus bruts. D’ailleurs, on peut déjà faire un parallèle entre des compositeurs du XIXe siècle en Europe Centrale et Russie (Brahms, Tchaikovsky), qui recueillaient le folklore régional, et Murcof, qui n’hésite pas ici à récupérer même le genre de divertissement populaire promu par Jean-Michel Jarre et autres Vangelis pour en incorporer quelques éclats dans l’ouvrage de ses compositions impeccables (sur "Cosmos I" par exemple). Des fois on croit entendre aussi certains petits motifs qui évoquent un suspense de cinéma, comme sur "Cometa", et c’est ce qui confirme l’impression cinématographique initiale : ça rappelle étonnamment les films de Tarkovski, surtout "Solaris" (Murcof démarre d’ailleurs en octobre une tournée dans des planétariums un peu partout en Europe). Et du coup on redécouvre les albums précédents, non pas en tant que BO, mais dans un jeu des correspondances sur plusieurs plans et au-delà des titres: "Martes" pour Stalker, "Remembranza" pour Nostalghia. En tout cas, avec ce troisième disque, rien ne nous empêche plus de classer Murcof au rayon compositeurs contemporains, à côté d’un Pierre Henry ou d’un Arvo Pärt.

Gabriel Marian

A lire également :
La chronique de "Remembranza"

Cuerpo Celeste
Cielo
Cosmos I
Cometa
Cosmos II
Oort

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