J’ai en commun avec Omar Sharif d’avoir une grande passion. Non pas les bourrins, mais les marimbas. Les vibraphones aussi bien sûr, et toutes les autres percussions. Faut que ça claque, faut que ça vibre, c’est mon côté Varèse…
C’est la troisième réédition des trésors cachés de la percussionniste japonaise Midori Takada, toujours sur WRWTFWW, qui m’amène donc à vous écrire quelques mots sur son éphémère et tout puissant, comme on dit en Afrique de l’ouest, groupe MKWAJU ensemble et son premier ouvrage « KI-Motion » daté de 1981.
Le MKWAJU ensemble rassemble ici Yoji Sadanari (mêmes doublettes d’instru que Takada), Shuichi Chino au synthétiseur et Shuichi Murakami à la batterie, un beau combo rassemblé par l’amour des percussions du Ghana (Ô combien chères à Steve Reich) et des traditionnelles asiatiques. Un certain sens d’une musique expérimentale aussi, dérivée du prog également, qui inaugure avec brio des chemins guère empruntés depuis et qui feront la part belle d’une certaine infusion des patterns jazz dans le rock dans les années 2000, j’ai nommé, l’épouvantail (voire la soporifique tisane) des uns, l’étendard sacré des autres : le post-rock.
« Wood Dance » qui ouvre le disque est presque la matrice de ce que feront Mice Parade (relire la chronique de « Candela » et celle de de « Mice Parade », réécoutez tous leurs disques) voire Mahjongg (vous les aviez oubliés, pas moi. Réécoutez urgemment « Kontpab ») des décennies plus tard, soit un post rock percussif voire un post-math-rock : matité des peaux contre les résonnances claires des lames de bois du marimba sur des vagues de voix un peu Dead Can Dance. On est dans de la texture et du rythme et pourtant c’est un morceau charnu bien loin d’une sèche ossature. C’est le plus beau morceau du disque, d’une modernité affolante, un labyrinthe rythmique qui libère l’esprit (d’Icare). C’est du cinémascope sonore.
« Maximum Alpha » procède par additions alors que le morceau précédent soustrayait avec toujours un contraste fort, ici l’oppressant grondement des basses contre des percussions métalliques aigrelettes et des claviers acides (non jazz).
« Ki-Motion » avec son glockenspiel enfantin (Takada ne craint pas d’utiliser la beauté naïve de l’enfance, mieux elle n’hésite pas à y puiser), ses sifflements (un ocarina ? une bouteille de Coca déjà ?) et ses accélérations/aditions rappellera un pré-Pascal Comelade ou un Esso Trinidad en mode free.
« Angwora Steps » replace l’album sur le solide plan du rock, avec une batterie très présente, dure, jouant le contrepoint de rythmes à couleurs tribales avec des claviers à tons indiens fluctuants, évoquant par moments des cordes.
« Hot Air », le bien nommé, est du Midori Takada pur jus de gongs (de bongs ?). Un air lourd donc chargé de vibrations denses saturant l’espace sonore et créant un jeu sur l’ambiance (le rafraichissement de la cavalcade des maillets). Une véritable atmosphère au sens propre et figuré. On a l’impression de découvrir ici le point de départ de ce qui fera le(s) monde(s) de son futur chef d’œuvre, « Throught The Looking Glass ».
En attendant, « Zindo Zindo » oppose percussions élastiques et sèches qui s’emballent et termine par des claviers basses répétitifs et saturés. On n’est pas là pour rigoler. C’est du lourd. Du sérieux.
On ne cache pas son plaisir : c’est stimulant, intelligent, physique mais c’est encore du laboratoire, des graines semées à tout vent, à l’image de celles de la pochette). Le grand œuvre du groupe viendra avec l’album éponyme et concentré du MKWAJU ensemble. On en reparlera sans doute plus tard. Je pressens une réédition pour la Noël.