C’est un peu le syndrôme de la cavalerie – arriver des heures après la bataille, quand il ne reste que des braises et des cendres tièdes… Enfin, si l’on fait référence aux inévitables bouillonnements qui accompagnent la sortie des disques (quels qu’ils soient) cela peut être exact, mais si l’on pense à l’album lui-même, les braises peuvent toujours être ardentes – comme c’est le cas avec « Borders », cet album de Milkymee sorti en 2012 et passé trop inaperçu.
Sur ce disque en effet, on retrouve toute la fraîcheur qui nous avait enchantés sur « Songs for Herr Nicke » et « To All the Ladies in the Place, With Style and Grace« , les albums précédents : une voix dans laquelle perce tour à tour une émotion à fleur de peau et un enthousiasme (tous deux contagieux), des instrumentations simples mais élégantes accompagnant des mélodies au format pop qui font mouche et – ce qui, bien évidemment, ne gâte rien – un certain sens de l’humour. Sur cet album, sans révolutionner son mode de fonctionnement, la chanteuse a particulièrement peaufiné ses arrangements : sur « Hey the Stars » (très jolie ballade aux accents velvetiens), on retrouve une partie d’orgue comme en confectionnait Mark Linkous (Sparklehorse) ; une guitare en mode far-west accompagne le très beau « A little bit too fast » (« Let’s kill time together » – un western condensé en une chanson !). Emilie Hanak introduit également quelques pincées électroniques dans ses rythmiques (« Borders », …). Mais l’essentiel, c’est que la chanteuse sait comme nulle autre alterner les morceaux introspectifs (« Good Luck Crapaud », qui cache une ballade intimiste derrière un titre amusant), les titres plus démonstratifs, ou tout simplement plus rock (« Colouring outside the line ») et les plages éthérées (« Pearl’s Dream », très beau finale). Bref, un album qu’il faut absolument prendre le temps d’apprivoiser et de (re)découvrir car Emilie Hanak a le don peu commun de faire léviter ses chansons… et ses auditeurs avec (fussent-ils officiers de cavalerie !).