MEGAFAUN – Gather, Form & Fly
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Trio de musiciens du Wisconsin versé dans l’exploration des musiques américaines les plus diverses tant populaires que savantes (du bluegrass à la musique sérielle en passant par le free jazz), Megafaun déroute toutes les classifications habituelles. À leur look négligé, leurs barbes et leur inspiration mi-nerd mi-pastorale, on croit tomber sur un concentré d’americana, coincé entre les appétences arty et les prouesses vocales à la Crosby, Still & Nash.
Mais le groupe, d’une part ne se contente pas du travail bien fait et trouve une voie inédite pour réactiver les recettes traditionnelles en les acoquinant avec une recherche à la fois orchestrale et ludique (le majestueux "Kaufman’s Ballad", qui balance la douceur irréelle du chant par le rythme tanguant du banjo et les frottements du violon) ; d’autre part, et c’est d’ailleurs la forme que prend leur inspiration, il travaille sur un type d’improvisation qui fond dans le même creuset les diverses influences, ce qui produit des glissements progressifs, d’une grande subtilité, d’un genre à l’autre : "Impressions of the Past" pose en parangon du genre, avec son introduction très Sufjanstevensienne, piano et cuivre s’emballant dans une danse plaisante, avant que les dissonances de guitare, puis un piano répétitif n’aillent faire voir ailleurs où le mood y est, jusqu’à un finale en pirouette vocale : "what is it you’re looking for?".
Le disque avance donc à ce rythme imprévisible, comme un road-movie faisant visiter alternativement en accéléré puis au ralenti les paysages de la musique américaine, du blues rugueux ("Solid Ground") au psychédélisme ("Darkest Hour", qui, tel un chant de boy-scouts tentant de conjurer un soir de pluie dans leur camp des Appalaches, tourne à la dérive opiacée), ou encore à la ballade en apesanteur ("Gather, Form and Fly", où, comme partout sur le disque, la finesse mélodique le dispute à la suspension onirique et à la constante inventivité).
Le trio de chansons qui clôture l’album suffirait à nourrir, sur un pauvre EP, n’importe quel buzz pour les fans de Bonnie Prince Billy ou des Fleet Foxes ; alors il est temps pour tout le monde de se jeter sur l’album : Megafaun, groupe majuscule.
David Larre
Bella Marie
Kaufman’s Ballad
The Fade
Impressions of the Past
Worried Mind
The Process
Solid Ground
Darkest Hour
Gather, Form and Fly
Columns
The Longest Day
Guns
Tides