Nouvelle venue dans le monde impitoyable de la chanson, Maud Lübeck a eu la bonne idée de sortir un peu du tatapoum survitaminé et un peu surjoué. L’album « La Fabrique » devrait en surprendre plus d’un et puis en agacer un peu aussi. Et pourtant…
N’y cherchez surtout pas d’impressionnantes nappes d’arrangements, quoique ici, épaulée par les musiciens d’Exsonvaldes, on ne loupera pas les cuivres Zavatta, les clapotis et clavecin 8 bits, mais aussi quelques sifflements Morriconiens du plus bel effet. Pas de revendications particulières, pas l’ombre non plus de la future star de The Voice. Allez chercher ailleurs.
Une sensibilité, un sens de la mélodie, de la formule et une stratégie diabolique où tout démarre en général d’un tout petit rien: une boîte en bois, un parapluie (le titre, désarmant de simplicité, sonne déjà comme la BO idéale de notre mois de juillet pourri ), un pull-over, une balançoire.
De l’inventaire à l’amour, il n’y a qu’un pas. Ici, de tout petits riens, des gestes de la vie quotidienne sont le point de départ d’une histoire, d’un songe, d’une parenthèse. Une fois le tableau à demi-dressé, les chansons se chargent en émotion, les sentiments prennent le relais, se rejoignent, pour qu’on puisse enfin y voir plus clair.
Dépouillé, un peu gauche parfois même, le disque paraît décalé dans le temps. Nombreux sont ceux qui penseront bien évidemment aux premiers enregistrements de Dominique A pour les boites à rythmes discount ou encore à la plus discrète Natacha Tertone, jusqu’à la pop dénudée des Magnetic Fields.
D’autres titres sont bizarrement inspirés, comme « La Fabrique » où, si j’ai bien compris, un poisson mécanisé comme ceux qu’on peut croiser par exemple à la fontaine Stravinsky, près du centre Georges Pompidou, rêve de changer de programme et de tête…
On l’imagine bien rêveuse cette Maud Lübeck. Timide sûrement, à entendre son petit souffle de voix qu’une ingénieuse prise de son a su nous envoyer dans le creux de l’oreille. Car cette voix soufflée est particulièrement mise en avant sur « La Fabrique », mettant en exergue ses suffisances, mais aussi la douceur et la sensualité d’un timbre mouillé qui redonne en ces temps de canicule un peu de fraîcheur.