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Disques

Luke Temple – Don’t Act Like You Don’t Care

Luke Temple - Don't Act Like You Don't Care

La première écoute me laissa très dubitatif ; elle me fit l’effet d’un fourre-tout (court, en plus : neuf morceaux évaporés en une petite quarantaine de minutes) mis en boîte à la hâte, flanqué de deux ou trois singles potentiels offerts en guise de soulte. Mais, avec le temps, ce que j’avais pris pour un vulgaire os à ronger mua en autre chose, et à travers le prisme des écoutes successives, j’en entrevis la moelle. « Don’t Act Like You Don’t Care » devenait entêtant ; et, après avoir traversé plusieurs états dissonants (jubilation, ennui, agacement…), je finis par me radoucir. Que s’est-il passé entre ces deux pôles ? Pas que du positif. À l’instar de la jaquette, la quête fut semée d’embuches et de démons mal dessinés ; sous les traits grossiers d’une production brute de décoffrage, les bribes de salut étaient si bien tapies dans l’ombre qu’il s’en fallut de peu que je ne passe à côté. Car il faut bien avouer que Luke a joué avec le feu en nous balançant ce qui ressemble beaucoup à un patchwork cousu (de fil blanc ?) à la va-que-je-te-pousse entre deux concerts, avec des bouts de chutes inexploitées, voire carrément des maquettes livrées en l’état (« Ballad for Dick George » ; « So Long, So Long »…) 

Ce qui frappe au début, c’est la répartition très inégale des titres et l’absence flagrante d’histoire commune entre eux, d’où ce sentiment d’opus de fond de placard. L’album semble tout miser sur son entame, mais trois sprints plus loin, Luke, essoufflé, amorce une laborieuse descente aux enfers, jusqu’à frôler le trépas.  

L’album s’ouvre sur un tube (« In the Open »). La recette est simple, mais terriblement efficace : deux accords anodins saupoudrés d’une couche de banjo par ici, d’un peu de synthé par là, et de poudre de perlimpinpin dont Luke a le secret ; par moment, le spectre d’Elliott Smith apparaît même en filigrane. « More Than Muscle » – deuxième merveille –  oscille, quant à lui, vers une sorte de soul-folk subtilement arrosée de choeurs célestes. Arrive ensuite « How Could I Lie » qui lorgne férocement vers le country, mais qui tient la route malgré un trémolo assez dérangeant lors du refrain ; dur dur pour Luke qui peine à tenir la note. Au passage, je me dis qu’il y a plus d’une similarité entre sa voix et celle de Stef Kamil Carlens (Zita Swoon), constat qui ne m’était pas encore apparu jusqu’ici. « Weekend Warrior » se déroule sous les traits d’un folk assez commun que vient crescendo hanter un piano presque inquiétant qui finira par se fondre dans un épilogue fantomatique, frissonnant. Puis, le temps se couvre : « Ophelia » me sort brutalement de l’état méditatif dans lequel j’étais plongé, avec son country de – presque – mauvais goût. Ce que je retiendrais de ce titre, c’est la qualité mélodique de son refrain et la fantaisie de Temple qui l’a mis sens dessus dessous en le préférant au couplet pour ouvrir le morceau. Les quatre derniers titres, construits autour d’un folk épuré à l’extrême, servent de bouche-trous et frisent l’ennui malgré quelques ruptures sympathiques et un finale de belle facture. 

En conclusion, s’il est certes beaucoup moins bon que ses deux prédécesseurs, « Don’t Act Like You Don’t Care » n’est pas pour autant dénué de tout intérêt ; d’une certaine manière, il assoit même le talent de Temple qui démontre qu’avec seulement quelques bouts de ficelle, il parvient malgré tout à sauver les meubles non sans une certaine majesté. Mais le dilettantisme outrancier a ses limites que le capital sympathie, le talent (en puissance) et la notoriété ne suffiront pas toujours à combler. 

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