On imagine que personne n’aura été indifférent au dernier album de Low, le bien nommé “Double Negative”. Une déflagration sonore dont les vertus musicales renouent avec les expérimentations arides et dépressives d’un “Drums & Guns” sorti dix ans plus tôt. On avoue être lentement rentré dans ce disque qui ressemble souvent à l’épisode 8 de la saison 3 de “Twin Peaks” – celui en noir et blanc, avec l’explosion nucléaire, le meurtrier recouvert de goudron, l’insecte étrange et “Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima” de Penderecki –, et à ce titre, “Fly” aura été la plus belle porte d’entrée de cette objet-disque glaçant. Tout ça pour dire que c’est avec une curiosité et une impatience non feintes que l’on gravit les escaliers de la Gaîté Lyrique pour ce concert de Low qui s’annonce comme grandiose.
La musique de Nadine Khouri se diffuse doucement dans la salle lorsqu’on arrive devant la scène. Elle joue d’une Gibson demi-caisse, de quelques pédales d’effet, on note une belle réverb’ et un indispensable sampler. La voix se fait tour à tour intime ou spacieuse, l’émotion s’installe progressivement, et on reste là, comme suspendu par ces mélodies gracieuses. Son dernier album, “The Salted Air”, a des airs de Mazzy Star, il est produit par John Parish, et on se promet d’aller l’écouter plus longuement, le soir, avec un tisane, avant de se mettre au lit.
On tient d’une source sûre – l’incomparable Philippe Dumez qui nous le confia clors d’un précédent concert de Low – que l’on doit la diffusion d’une excellente playlist de reggae à la passion incommensurable d’Alan Sparhawk pour la musique jamaïcaine qui lui procurerait quelques effets légèrement opiacés pour se concentrer sur le concert à venir (ceux qui auraient un doute peuvent aller immédiatement réécouter certains titres de Low comme “Sleep at the Bottom”). On s’attend un peu à un ovni sonore sur scène, mais “Quorum” en ouverture se révèle moins expérimentale que sur disque. L’interprétation, à l’émotion déjà prégnante, met en tout cas tout le monde d’accord.
Low s’échauffe doucement avec quelques beaux moments issus de “One And Sixes” et “The Invisible Way” avant d’enchainer sur un gros morceau de bravoure avec le tryptique “Tempest”, “Always Up” et “Poor Sucker”. L’électricité est dans l’air, les drones s’installent doucement et la grâce volatile d’Alan Sparhawk, Mimi Parker et Steve Garrington touche en plein cœur. Le groupe nous achève avec le déluge sonore de “Do You Know How to Waltz” dont la massive conclusion bourdonnante construit un pont avec l’immense “Lazy”. “Lullaby”, peu joué sur scène ces derniers temps, sera aussi mis à l’honneur avec une interprétation de haute volée. On pourrait presque tomber à genoux, on se contentera de retenir une larme tant l’émotion est à son comble. En ressortant de la salle, on tombe sur de vieilles connaissances, on ne retrouve pas ce vieil ami que l’on voulait voir, on ne se remet pas complètement de ce concert, qui à coup sûr, sera l’un des plus beaux que l’on ait pu voir du trio de Duluth.