HOLDEN – Chevrotine
(Le Village Vert / Wagram) – acheter ce disque
Si, dans un siècle ou deux, des chercheurs courageux tentent de déterminer ce qu’était l’élégance en France dans les années 2000, on espère qu’ils auront l’idée de jeter une oreille aux disques de Holden. Elégance d’un groupe discret, dont on ne peut pas dire qu’il occupe abusivement le terrain (un album tous les quatre ans) ; élégance d’une musique pointilliste, sans lourdeurs ni effets faciles ; élégance, enfin, de textes qui préfèrent suggérer plutôt qu’imposer le sens.
Après "Pedrolira" en 2002, voici donc "Chevrotine". On peut s’amuser à pointer les ressemblances : titres d’album pareillement sibyllins, récurrence d’une "chanson-ville" – "Madrid" succède à "Tunis", et même à "Ostende" sur "L’Arrière-monde" -, premier morceau qui nous fait rendre immédiatement les armes ("Ce que je suis" après "C’est plus pareil", tout autant taillé pour les playlists de France Inter et Fip). Le principal point commun entre les deux disques reste bien sûr la production d’Uwe Schmidt (alias Atom Heart, alias Atom TM, alias Señor Coconut, alias Erik Satin, alias Los Samplers, on arrête là…), Allemand fantasque issu de la sphère électro et installé à Santiago du Chili. En faisant de nouveau appel à lui, le quintette risquait évidemment de livrer, même sans le vouloir, une copie conforme du disque précédent, tant le travail de Schmidt – qui est un peu à Holden ce que Thomas Dolby fut à Prefab Sprout : un deus ex machina faisant accéder des chansons déjà très bonnes à une dimension encore supérieure – est déterminant dans le résultat final. Heureusement, "Chevrotine" apparaît plus comme un pas en avant que comme un piétinement.
Certes, on y retrouve tout ce qu’on avait aimé, et même adoré, sur le précédent – pour aller vite, une variété-pop en français plutôt classique remodelée par les techniques de la musique électronique, dont l’abord facile dissimule la complexité -, mais avec (encore) davantage de profondeur, de fluidité, et une symbiose désormais totale entre les différents registres sonores, du plus acoustique au plus synthétique. Si certains avaient cru bon de coller une étiquette "néo-yéyé" sur "Pedrolira", elle se détache ici d’elle-même : Holden a abandonné les quelques clins d’œil sixties qui émaillaient son deuxième album au profit d’un mélange gracieux et intemporel, carrefour d’influences riches et disparates. Ainsi, "Madrid" célèbre les noces d’une guitare de western spaghetti et d’un saxo qui trahit les amours jazzistiques du groupe, tandis que "Les Cigales" déroule des boucles ambient et que "Sur le pavé" accélère le tempo et durcit légèrement le ton. Seul "L’Orage", charmant duo avec Jean-Louis Murat (choix peut-être un peu trop évident tant ce dernier a chanté avec des jolies femmes ces derniers temps), peut éventuellement ramener au temps de "Salut les copains", mais la voix à la fois piquante et mélancolique d’Armelle Pioline rappelle davantage Françoise Hardy que Sheila ou France Gall. Enfin, précisons que Holden possède en la personne de Mocke l’un des plus fins guitaristes qu’on puisse entendre aujourd’hui en France, comme l’a montré récemment son travail sur l’album de Kelly de Martino. On comprend dès lors que la rareté de ce groupe, rageante pour ses fans, est une bénédiction pour la concurrence.
Vincent Arquillière
Ce que je suis
Charlie, Rosie et moi
Madrid
Sur le pavé
Les Cigales
L’Orage (avec Jean-Louis Murat)
Quelque chose en moi
Comme une fille
L’Essentiel
En septembre
Dès demain