Gardens & Villa est/sont (le pénible de ces noms singulier et pluriel) une petite énigme. Pas étonnant de voir ce jeune groupe acoquiné avec Richard Swift, sorte de Mark Ronson secret (et pas canadien) pour son goût du vintage actualisé. Le spectre de Gardens & Villa couvre facilement trois décennies, et le son que Swift leur a concocté va du boisé au mélaminé en passant par le formica.
Par ailleurs, l’album est pop indiscutablement, avec diverses influences tout à fait assumées. « Thorn Castles » est, pour la mélodie et le synthé volubile en pointillé, un copier-coller des Nits, ce groupe fabuleux dont personne ne se réclame jamais. De cela, nous rendons grâce à Gardens & Villa, et tant pis si la chanson est passable. « Orange Blossom » et son proto-funk de manchon lorgne plus vers Of Montreal, et le délicat « Chemtrails » nous rappelle « Devotion » de Beach House (et même précisément la belle reprise de Daniel Johnston qui fait la jonction entre les deux faces). Tous ces noms renvoient au low-fi, à l’enfance et à l’autarcie heureuse du jeu (à l’image de leur meilleur morceau, « Spacetime » qui les voit transformés en fusée folle). Gardens & Villa joue à être tous les musiciens qu’il aime, il varie donc les styles et dessine au final un puzzle dont le motif est donné par un groupe surplombant qui commit, il y a fort longtemps, un album-tangram de la même eau. On a l’air mystérieux comme ça, et c’est bien pour faire le malin. La solution de l’énigme nous a été offerte par un détail comme chez Agatha Christie : la flûte dont use à l’occasion Chris Lynch, le chanteur un peu trop crécelle, pipeau + hauteur dans l’aigu nous renvoyant à « Dressing Up » de Cure, sur le mirifique « The Top », l’un de leurs musts par ailleurs. Le premier album de Gardens & Villa est donc un patchwork de pop heureuse et souffrante qui a laissé sa jugeote dans le placard de « Close To Me » clippé par Tim Pope. Une célébration de l’instant qui mènera au pinacle ou plus bas. La preuve ultime sera donnée par le dernier morceau, « Neon Dove », subtil décalque de « Wailing Wall » avec son ambiance tribo-médiévale, moutons d’un côté, soufis de l’autre, et la route de Damas qui s’ouvre dans la lumière et les fifres.
On a hâte de la suite.