Vendredi 18 septembre
Pour la troisième édition du festival Levitation, une nouveauté sur le site avec l’ouverture d’un « village » restauration, dans lequel on retrouve notamment un food truck d’Austin, dont la présence s’inscrit dans l’Austin Week. L’avantage, c’est que cet espace offre également la possibilité de s’éloigner un peu des scènes pour faire un break, ce que je ne manquerai pas de faire durant les deux jours de festival.
Pour le jumelage musical incontournable qu’est devenu Levitation France, le premier groupe à se présenter sur la scène extérieure, installée face à l’entrée de la salle, est angevin et se nomme The Blind Suns. Ce trio, emmené par sa chanteuse polonaise, plane entre dream-pop et rock-psyché, le combo ayant pour originalité d’avoir un batteur possédant des pads et jouant debout. Une bonne entrée en matière, vraiment psychée, qui nous conduit tout naturellement vers la salle pour découvrir Noveller, jeune New-yorkaise avide d’expérimentation sonore qui ne saura pas me convaincre de résister à un sandwich texan.
Profitant d’un moment de repos bien mérité après 2h30 de route et une marche vers Le Chabada, ce sont les décharges soniques de Solids qui m’attireront de nouveau vers la scène extérieure. J’y découvre ce duo québécois guitare / batterie, qui a pour lui une débauche d’énergie monumentale et des compositions sèches, rien ne dépasse et c’est imparable. C’est d’ailleurs l’ouverture de la sainte trilogie de la soirée, qui se poursuit avec les étonnants Finlandais de K.X.P. Vêtus de robe de bure, se débattant dans un orage stroboscopique, ils produisent un kraut-rock totalement hypnotisant, les touches de techno qui viennent s’y ajouter n’y étant pas étrangères. A mesure que les morceaux défilent, le public réagit de plus en plus et le chanteur communique avec lui pour maintenir le lien actif.
L’un des concerts phares du festival se termine mais enchaîne avec la dernière partie de la trilogie, le final dream-pop, qui oppose nos deux derniers personnages dans un duel de synthétiseurs. Les volets se ferment devant les milliers d’yeux regroupés dans la cour du Chabada, et la voix de Luciana emplit le vide au-dessus des têtes. Svper s’empare de la plume et raconte une nouvelle histoire aux angevins, même ceux d’un soir. Loin des robes de bures et du stroboscope, on s’imagine mieux ici tenir la main à un(e) étrangèr(e) sur une banquette déchirée, dans la cave d’un club berlinois. La dream-pop, ça fait décoller.
Retour à la terre aussi brutal que jouissif avec le duo King Kahn & BBQ Show, qui va provoquer un pogo de 40 minutes avec son garage-doo-sado-wop-maso-punk qui électrise la foule dès le premier riff. Un petit gars qu’on croirait échappé d’un film de Larry Clarke se tape un plat sur le bitume de deux mètres de haut, et se relève comme un skater ressortirait d’une rampe. Je perds la moitié de mes talons sur les barrières de sécurité… Une pinte s’il vous plaît.
Le mur du son que propose Wand en live ne me conviendra pas du tout, et je préfère rester dans l’humeur King Kahn encore quelques instants. J’en profite pour aller au stand de « merch » du festival et je suis désormais convaincu que j’achèterai tout demain. Bien fait.
Samedi 19 septembre
Après une belle balade en ville pour profiter de la journée du patrimoine, et ainsi voir les Tapisseries de l’Apocalypse, qualifiées par Alex Mass (The Black Angels) d’oeuvre fondatrice du psychédélisme, je me dirige enfin vers le festival sur les coups de 18h, juste pour choper le dernier fracas de The Dead Mantra, un rattrapage s’imposera.
Direction la scène extérieure donc pour le concert de Casamance. Dans ce septet aux influences multiples allant de l’afro-beat au kraut-rock en passant par le funk, j’avoue avoir beaucoup de mal à trouver mes repères ; même la familière moustache de Gabriel Matringe, leader de Wall of Death, ne parviendra à me faire entrevoir la lumière dans un style pour lequel je n’ai décidément aucune affinité. C’est le jeu des festivals, je laisse donc ma place et m’éloigne en consultant le programme à venir.
M’armant de patience, je fais l’impasse sur Destruction Unit, peinant à franchir les portes de la salle et sentant assez rapidement que c’est mieux ainsi, et je découvre Death & Vanilla dans la demi-heure suivante. On se rapproche un peu plus du genre psyché pour lequel je fais le déplacement chaque année depuis la création du festival, mais je reste tout de même sur ma faim devant ce trio suédois se partageant moog et autres synthés vintage, porté par la voix timide et réverbérée de leur chanteuse.
La lumière viendra aujourd’hui de l’inattendu. En effet, j’avais écouté Flavien Berger sur les conseils dithyrambiques d’un ami bercé par l’électro, sans y glaner d’émotion particulière. Ce fût tout l’inverse pour son concert. Bien calé dans la tribune de la salle, j’apprécie très vite la décontraction et le flegme du jeune homme, qui, chose rare dans le festival, s’adresse au public, se raconte et parvient à réellement faire du Chabada une fête privée à laquelle on ressent le privilège d’avoir été convié. Ses chansons tantôt dansantes tantôt planantes, portées par des textes toujours très justes et en parfaite harmonie avec son attitude, semblent parler à toutes les générations pressées dans la fosse, et à l’annonce d’un nouveau morceau dans lequel on aurait « la mâchoire serrée au milieu du Trésor », les réactions furent nombreuses.
A peine le temps le temps de s’échapper du vaporeux nuage sur lequel Flavien Berger nous avait emporté que déjà se présente sur la petite scène les américains de Lumerians. Fraîchement débarqués de la baie de San Francisco, les quatre musiciens, vêtus de robe de bure « boule à facettes », déchirent la nuit angevine par leurs scintillements au moins autant que par le son planant qui s’échappe de leur rock spatial et mystique. Alternant les moments très psychés, penchés sur leur clavier « Nord », et les passages plus rock sur lesquels ils reprennent la basse et la guitare, c’est un beau succès, indiqué par l’oscillation permanente du public.
Enjoué par cette découverte, je m’approche de la salle pour le concert de la soirée. Tess Parks et Anton Newcombe sont là, complices d’un merveilleux album qui marque la rencontre parfaite entre la jeune folkeuse et le parrain de la scène psyché américaine.
Accompagnés d’un guitariste, d’un bassiste, d’un batteur et d’un pianiste, Tess et Anton électrisent d’emblée un public qui semble conquis d’avance, la présence du leader de The Brian Jonestown Massacre n’y étant sûrement pas étrangère. Cependant, comme à son habitude, il se fait très discret, et laisse Tess Parks mener le concert de bout en bout, sans prendre la parole et ne chantant que sur un refrain. Il ne lancera qu’un « yeah » entre deux morceaux, qui sera bien sûr repris en choeur par une grande partie du public.
Mais assez parlé d’Anton : au centre de la scène se tient Tess Parks. Jeune Canadienne de 24 ans, elle chante d’une voix éraillée, et joue à la guitare électroacoustique ou électrique ses balades folk-rock qui, arrangées en collaboration avec Anton Newcombe, deviennent des hymnes psychés imparables. Les titres de l’album « I Declare Nothing » s’enchaînent et déclenchent des applaudissements dès les premières notes. Ainsi, on découvre que des chansons comme « Mama », « Voyage de l’âme » ou « Cocaine Cat » sont des petites perles de concert et que l’extrême homogénéité de l’album parvient à être sublimée sur scène par la justesse des musiciens.
Je tiens là mon moment de grâce du festival et j’ai du mal à apprécier la suite; je fais l’impasse sur The Octopus Project que j’ai déjà vu au festival « Less Playboy Is More Cowboy » à Poitiers, tandis que ni Wire, ni Dungen et encore moins Melody’s Echo Chamber ne me feront léviter de nouveau.
C’en est donc terminé de cette troisième édition du jeune festival « Levitation », qui tient toujours ses promesses, basant sa programmation sur de nombreuses découvertes et quelques artistes confirmés. Un petit bémol cette année tout de même avec un éloignement trop fréquent du style psychédélique qui a fait naître l’évènement et qui, à la longue, pourrait dissuader les fidèles. Un petit point de vigilance donc pour les organisateurs mais pour le reste, rien à redire, le village « food-truck » est une réussite, et le stand de merchandising sur lequel on peut trouver des produits de l’Austin Psych Fest reste un passage obligatoire. Bravo donc pour cette nouvelle édition et à l’année prochaine !
Mes concerts marquants :
- Solids
- KXP
- Svper
- King Khan & The BBQ Show
- Flavien Berger
- Lumerians
- Tess Parks & Anton Newcombe