EMILY JANE WHITE – Victorian America
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Une instance supérieure m’a interdit le "on" sur cette chronique, un Golem qui ne s’anime qu’à la lecture des "on". Comment vivre ? D’autant qu’il m’est arrivé une expérience étrange avec le nouveau Emily Jane White. J’avais prévu d’en dire plutôt du mal – raisons suivent, amis lecteurs -, et la nuit portant conseil, j’ai inexplicablement fredonné le morceau éponyme tout au long de mes rêves. Au matin, impossible de m’enlever de la tête "I lost my home in Victorian America…" Deux hypothèses : Emily Jane White est le Dr Mabuse et je suis mal barré. Ou son disque est hanté – un peu n’importe comment et par n’importe quoi, mais hanté quand même. D’ailleurs, mon lecteur CD n’arrive plus à lire "Victorian America" qui, seul du disque, saute obstinément. Alors pressage promo déficient ou malédiction flippante ? Retrouvons nos sens et essayons d’expliquer nos émotions contrastées sur "VA". Coup d’œil dans le rétroviseur : Emily Jane s’est taillée l’année dernière un gentil succès avec son premier "Dark Undercoat", classique et plus que décent, transfiguré au moins à une reprise : "Wild Tigers I Have Known" – piano, violoncelle, voix – des pas mesurés dans l’herbe d’automne. Pas un gramme de graisse à critiquer, c’était bien. Or, cette Amérique victorienne ou victorieuse grossit un peu le son. Pedal-steel par ci – un instrument pleurnichard qu’on déteste (enfin moi, hein ?) – et surtout, par là, un quatuor à cordes qui me semble plus relever de l’accessoire qu’autre chose. Les arrangements qui en découlent s’entendent trop et font écran à un songwriting pourtant remarquable. Sur "Frozen Heart", ils affadissent même cette chanson terrible où la voix d’Emily Jane passe du clair au lustré (Laura Veirs puis Chan Marshall) avant de sombrer dans le guttural comme une Nico sous hypnose avec son piano martelé. Heureusement, les contre-exemples existent : "Liza" au refrain coup de sang et "Red Dress", très PJ Harvey période "To Bring You My Love", seule plage réellement électrisée. On – zut !, je – ne peux m’empêcher de penser que Miss White a eu les yeux plus gros que le ventre : douze morceaux dont trois de plus de six minutes soit une heure d’écoute. D’autant qu’elle confond souvent pénétration et redondance (le pénible "The Ravens" qu’elle aurait pu réduire de moitié tellement rien n’advient). "Victorian America" est un disque bavard car littéraire – "Stairs" est construit comme une courte nouvelle mise en musique avec des ruptures en guise de sauts de paragraphes et des changements d’orchestration d’après les différents points de vue. C’est par ailleurs l’une des grandes réussites de ce disque flottant et pesant à la fois, qui ne s’impose jamais vraiment sans se laisser pourtant oublier.
Christophe Despaux
A lire également, sur Emily Jane White :
la chronique de « Dark Undercoat » (2008)
Never Dead
Stairs
Victorian America
Baby
Frozen Heart
The Country Life
Liza
The Ravens
Red Serpent
Dress
A Shot Rang Out
Ghost of a Horse