ELYSIAN FIELDS – The Afterlife
(Vicious Circle / Discograph) [site] – acheter ce disque
Groupe discret et intermittent désormais réduit au binôme Jennifer Charles-Oren Bloedow, Elysian Fields sort un nouvel album tous les trois ou quatre ans, histoire de prouver à ses fidèles fans qu’il n’a pas définitivement tiré le rideau. Un disque qui, à chaque fois, sonne à peu près comme les précédents, et "The Afterlife" ne déroge pas à la règle. Faut-il le regretter ? Pas sûr, à moins qu’on considère qu’un artiste doit sans cesse se réinventer. Les New-Yorkais connaissent leurs point forts – la voix instantanément envoûtante de Jennifer, la finesse de touche d’Oren, le fait de pouvoir puiser leurs accompagnateurs dans un vivier où tous rivalisent d’excellence – et se contentent de les exploiter au mieux.
De ce point de vue, "The Afterlife" apparaît comme l’une de leurs plus belles réussites, et un retour à la simplicité après les architectures parfois tarabiscotées de "Bum Raps and Love Taps". C’est aussi leur disque le plus serein, calé dès le départ dans un tempo lent, sans ces morceaux un peu plus rythmés, brefs et rentre-dedans ("Star", "Bend Your Mind", "Timing Is Everything" ou "Set the Grass on Fire") qu’ils n’ont malheureusement jamais réussi à transformer en tubes. Les titres suggèrent une écoute après la tombée du jour ("Only for Tonight", "Night Melody of the Past"…), et le piano, omniprésent et alangui, semble faire des clins d’œil aux "Nocturnes" de Chopin ou Debussy – mais aussi à Thelonious Monk à la fin du très jazzy "Turns Me On".
Certes, les mélodies ont parfois un air de déjà-entendu, le groupe évolue toujours dans le même univers (Eros et Thanatos sont dans un bateau, et personne ne tombe à l’eau), mais il défriche néanmoins de nouveaux territoires musicaux. Sur "Only for Tonight", après une intro au synthé, Jennifer pose sa voix plus sensuelle que jamais sur un rythme de bossa qui s’avère là aussi une fausse piste. Au bout d’une minute, le morceau se met quasiment en boucle : la chanteuse énumère, en rimes, les incarnations qu’elle offrira à son amant d’un soir ("I’ll be your afterlife (…) your hunting knife (…) your sweet little wife (…) your struggling strife", etc.), tandis que des staccatos de guitare et de batterie relancent sans arrêt la machine. C’est le seul moment d’excitation d’un disque qui, sur la fin, abandonne tout ce qui pourrait le rattacher encore au rock, et se referme apaisé sur un duo sublime, "Ashes in Winter Light". Tellement beau qu’on se demande ce qu’il pourront encore faire après ça.
Vincent Arquillière
A lire également, sur Elysian Fields :
l’interview (2005)
la chronique de « Bum Raps & Love Taps » (2005)
la chronique de « Queen of the Meadow » (2001)
How We Die
Where Can We Go But Nowhere
Drown Those Days
Turns Me On
Only for Tonight
Someone
Climbing My Dark Hair
The Moment
Night Melody of the Pull
Ashes in Winter Light