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Disques

DRINKS – Hippo Lite

Drinks - Hippo Lite

Trois ans après un premier album, “Hermits on Holiday”, la Galloise Cate Le Bon et l’Américain Tim Presley (plus connu sous le nom de White Fence, par ailleurs collaborateur régulier de Ty Segall) servent une deuxième tournée chez Drag City – et les DRINKS (les capitales sont apparemment de rigueur) sont encore plus corsés. Les deux musiciens, ermites en vacance(s), ont installé leur alambic sonore dans un ancien moulin à Saint-Hippolyte-du-Fort (d’où le titre), où ils ont passé un mois en autarcie. S’ils disent s’être nourris de l’atmosphère particulière de ce village pittoresque du sud des Cévennes, avec sa rivière où coassent les grenouilles, son monument aux morts et ses vieilles pierres qui piègent la chaleur d’après-midis languides, on peut se demander à l’écoute du disque s’ils n’ont pas un peu abusé d’une eau-de-vie locale.


Les éloges de leur pote Bradford Cox (Deerhunter, dont Cate doit produire le prochain album), qui parle d’un « mind fuck », laissent de toute façon supposer que le résultat ne sonne pas tout à fait comme du Dire Straits. Les références seraient plutôt à aller chercher du côté de Captain Beefheart (en moins blues), des Shaggs (avec davantage de maîtrise instrumentale et vocale, quand même), du psychédélisme rongé par l’acide de Syd Barrett, et aussi et surtout du post-punk britannique. En effet, “Hippo Lite” évoque par moments les productions sorties à l’époque chez Rough Trade, Island, ou sur des labels plus obscurs, signées The Raincoats, The Red Krayola, The Slits, Maximum Joy, Essential Logic ou Glaxo Babies. En plus bucolique et décontracté, peut-être… Bref, ça gratte, ça grince, ça dissone, la notion de rythme est, disons, un peu plus souple que sur un maxi de techno, et des sons ambiants nocturnes semblent s’être invités sur les bandes. Rappelons que Tim Presley a joué brièvement dans The Fall, ça a dû le marquer.

Même le tracklisting est bizarre : pourquoi ces deux intermèdes de moins d’une minute, assez anecdotiques, placés en 2e et 4e position ? Les dix autres morceaux se rapprochent un peu plus de ce qu’on appelle communément une chanson – par leur durée, du moins. Le belle berceuse “Blue from the Dark”, qui ouvre l’album, ou “Greasing Up” un peu plus loin font même penser à une relecture iconoclaste du folk anglais. On ignore si le duo a séquencé l’album en pensant au vinyle, mais la deuxième face s’avère en tout cas plus escarpée que la première. Il faudra un certain courage pour s’infliger au réveil ces sommets dadaïstes que sont “Ducks”, “Leave the Lights on” et “Pink or Die” (une sorte de rencontre entre les Young Marble Giants et les Residents). On les déconseille en tout cas à ceux pour qui la justesse du chant est une vertu cardinale…

On l’aura compris, DRINKS ne donne pas franchement dans l’easy listening. Mais à une époque où certains groupes semblent écrire des chansons avec l’idée de décrocher une synchro pour une pub TV, cette absence de calcul – Le Bon et Presley ne recherchent pas non plus la bizarrerie à tout prix – a quelque chose de rafraîchissant. “Hippo Lite” laisse parfois perplexe, fascine souvent, et finit par émouvoir sur un “You Could Be Better” magnifique, tout en boucles cahoteuses de violon et de piano, où les deux voix se font la courte échelle. De bon augure pour les prochains chapitres, dont on espère que ces deux suractifs adeptes des chemins de traverse trouveront le temps de les écrire.


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