On avait laissé la délicieuse Dawn Landes il y a deux ans sur un surprenant EP, “Mal habillée”, chanté intégralement en français, qui contenait même une reprise de Georges Brassens. Si l’Américaine ne semblait pas encore prête à s’installer dans notre pays, elle caressait alors l’idée de poursuivre dans cette veine francophone qui ne manquait pas de piquant. L’idée en question a dû être abandonnée, puisque son nouvel album est entièrement interprété en anglais. Et la légèreté de son disque précédent n’y est pas vraiment de mise : “Bluebird” appartient en effet à la catégorie des disques “post-divorce” (ou séparation), un véritable genre en soi surtout pratiqué par les Américains, depuis la vague des singers-songwriters des seventies. “Bluebird” rappelle d’ailleurs un autre disque sorti l’année dernière et creusant le même sillon, “About Farewell” d’Alela Diane, dont il partage la brièveté (moins de 34 minutes) et le (relatif) dépouillement instrumental. Dans le cas d’Alela Diane, l’album marquait un net regain d’inspiration, un retour à la pureté et à la fragilité souvent bouleversantes de ses débuts. Pour Dawn Landes, c’est un peu différent, et pas seulement parce que ses textes sont sans doute plus allusifs et plus ouverts que ceux de sa consœur.
Si la musique qu’elle enregistre depuis une dizaine d’années (elle a 33 ans) a toujours plus ou moins puisé dans les racines américaines, elle se distinguait jusqu’ici par la contemporanéité d’un bricolage sonore de plus en plus fin et inspiré, la maîtrise des techniques de studio par la jeune femme progressant de disque en disque. “Bluebird” est nettement plus classique, orthodoxe, entre folk (aux accents british, parfois, cf. “Bloodhound”) et country-pop aérienne et classieuse. De ce fait, il peut légèrement décevoir à la première écoute. Mais si la fantaisie et l’efficacité mélodique qui rendaient des morceaux comme “Kids in a Play” ou “Money in the Bank” totalement irrésistibles sont aux abonnés absents, le reste est toujours là.
A commencer par une voix qui n’a peut-être jamais été aussi belle et agile, et qui ose toujours se mettre à nu, au diapason des textes (“No matter how hard I try, the pain lingers/Our love’s gone dry like grease on my fingers”). Mais qui sait aussi superbement s’entourer : c’est rien de moins que Norah Jones – une participation amicale, on suppose – qui assure les chœurs (et le piano) sur “Cry No More” et “Love Song”. Ailleurs, c’est Thomas Bartlett alias Doveman (collaborateur, entre bien d’autres, de The National et d’Elysian Fields, également crédité ici comme coproducteur) qui frappe l’ivoire. La guitare a été confiée à Rob Moose (Antony & the Johnsons, Sufjan Stevens…) et la basse à Tony Scherr, figure notable de la scène rock et jazz new-yorkaise : pas vraiment des baltringues, donc. Pour autant, personne ne tire la couverture à soi, tout le monde est au service humble des chansons. L’une s’intitule “Try to Make a Fire Burn Again”, un feu métaphorique qui, à l’évidence, ne désigne pas l’inspiration : chez Dawn Landes, celle-ci n’a jamais cessé de brûler, et ne semble pas près de s’éteindre.