CONOR OBERST – Conor Oberst
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Voici le temps de l’échappée solitaire pour Conor Oberst, pour une fois séparé de Bright Eyes. Il a enrôlé un nouveau groupe pour cela, le Mystic Valley Band, et a pris la poudre d’escampette, direction Tepoztlàn, dans l’état de Morelos au Mexique, là où l’on dit que les magiciens se rencontrent.
Cela restera pour la petite histoire, car c’est plutôt un disque sans artifices, simple et chaleureux. Bizarrement, le contexte géographique dans lequel a été conçu le disque n’a pas franchement inspiré le musicien. Ce sont souvent des chansons boisées, à l’écriture bien charpentée et sobre auxquelles on a affaire, donc exit les trompettes mariachis et l’odeur du désert qu’affectionne tant Calexico, par exemple. "Cape Canaveral" ouvre ainsi le bal en douceur, d’un folk lumineux et juste rehaussé avec parcimonie de petites touches électriques. On se sent à l’aise avec ce titre, c’est aussi classique qu’efficace, et la voix de Conor Oberst oscille avec bonheur entre émotion et ses désormais connus trémolos. Il y a ainsi de beaux moments garantis avec une écriture de cette qualité, comme sur "Get-Well-Cards", "Lenders in the Temple", "Milk Thistle" ou le réjouissant "Danny Callahan". C’est ainsi avec un plaisir non feint que le disque s’écoule, avec des pointes d’americana un peu relevée ("Sausalito") ou encore l’excellent "I Don’t Want to Die (in the Hospital)", pic d’adrénaline du disque évoquant l’arrière-salle d’un bar enfumé mais à la faune sympathique. Conor Oberst ne veut pas mourir à l’hôpital et le dit avec conviction, entraîné par ce piano de cabaret et ce rythme entraînant, ce qui a pour conséquence le retour des tremblements dans la voix, jusqu’à présent réprimés. La suite du disque est hélas un peu moins enthousiasmante, avec parfois des incursions dans une veine folk-rock électrique ("Moab", "Souled Out !!") pas tout à fait dépouvue de charme mais moins personnelle. Pourtant, on sent que les musiciens ont pris du plaisir à se retrouver ensemble pour enregistrer car il n’est pas rare d’entendre les musiciens se parler ou se chambrer au cours des morceaux. Cette joie est réellement la valeur ajoutée du disque, car elle en définit l’identité, voire même sa raison d’être : Conor Oberst n’avait sans doute pas d’autre vocation que de prendre du plaisir à écrire et jouer ce disque. Si on aimerait parfois être un peu plus surpris à son écoute, il n’en reste pas moins un excellent moment musical, et en ce sens c’est une vraie réussite.
Michaël Choisi
A lire également, sur Bright Eyes :
la chronique de "Noise Floor (Rarities: 1998-2005)" (2006)
la chronique de "Fevers and Mirrors" (2000)
Cape Canaveral
Sausalito
Get-Well-Cards
Lenders in the Temple
Danny Callahan
I Don’t Want to Die (in the Hospital)
Eagle on a Pole
NYC – Gone, Gone
Moab
Valle Mistico (Ruben’s Song)
Souled Out !!!
Milk Thistle