BILL CALLAHAN – Sometimes I Wish We Were An Eagle
(Drag City / PIAS) [site] – acheter ce disque
Bill Callahan n’a plus peur de rien. Ni d’assumer un packaging flirtant dangereusement avec le sirupeux (de la calligraphie aux notes de pochette), ni de lasser ses fans avec un album-somme dont tous les composants leur sont déjà familiers, ni d’avancer une nouvelle fois à visage découvert, abandonnant le masque de Smog/(Smog) comme le vestige d’un passé perdu. Depuis ses débuts, il y a près de vingt ans, l’homme a immanquablement gagné en sérénité ; sa musique, plus consensuelle, et qui a su placer la voix au premier rang de ses nombreux atouts, s’en ressent. Cette nouvelle phase, plus apaisée, qu’amorçait déjà "Supper" en 2003 n’est certainement pas pour autant que légèreté et lumière, malgré quelques soubresauts du côté moins obscur (sur le précédent disque, "Wake on a Whaleheart", notamment). De ce cheminement, c’est d’ailleurs Bill Callahan qui parle le mieux, en quelques mots laconiquement jetés dès les premières mesures de Jim Cain, chanson d’ouverture : "I used to be darker/ Then I got lighter/ Then I got dark again". Le reste de l’album ne fait que tisser cette ambivalence entre de tourments profonds et une nouvelle forme de sagesse, écrasante à sa façon, où se mêlent désillusion et ironie. Ainsi, "My Friend", le titre le plus musicalement entraînant, le plus mélodiquement positif, serait-on même tenté d’écrire, se trouve être également, hommage posthume à un proche de Callahan, le morceau le plus dur, le plus directement émouvant. De ce décalage jaillit bien souvent la charge émotionnelle qui abreuve l’album entier. Et éclate incidemment. Sur "All Thoughts are Prey to Some Beast", sommet héroïque du disque, la terrible montée en puissance rappelle des heures plus torturées de Smog et certaines envolées magnifiques que contenaient "Dongs of Sevotion" ou "Knock Knock". Car, aussi abouti, d’un élan aussi sincère, d’une beauté aussi remarquable soit-il, cet album ne renouvelle pourtant pas la panoplie que les fans de Callahan lui connaissaient déjà lors de ses précédentes incarnations. Il procure même une possible sensation de déjà-entendu… avant de se révéler comme un nouvel album indispensable. Les fans de longue date y trouveront donc exactement ce qu’ils cherchent. Les non-initiés pourront remonter le cours de sa discographie passionnante à rebours, en s’appuyant sur cette dernière escale, en forme d’invitation. Si le disque se termine par une anti-profession de foi, clamée par Callahan avec un déconcertant mélange de philosophie et de naïveté ("It’s time to put God away/ I put God away"), on ne pourra certes pas être tenté de renier de la même façon celui qui, après plus de douze albums, parvient, inlassablement et sans aucune volonté d’esbroufe, à surpasser son précédent. Assurément l’un des très grands disques de l’année écoulée.
Jean-Charles Dufeu
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