Je l’ai connu sous le pseudo de Black Devil Disco Club, mais Bernard Fèvre a bel et bien commencé sa carrière sous son propre nom. S’il est effectivement compliqué pour quelqu’un de mon âge de se rendre compte du contexte qui a engendré un tel disque, “Suspense” surprend, 40 ans après sa sortie, par une réelle modernité.
Ce court disque qu’est “Suspense” devait paraître à l’époque terriblement futuriste, comme cela se retrouve dans les sons, tout en claviers aux sonorités désormais recherchées : il y a de la chaleur, parfois de la froideur, un aspect mécanique mais jamais rébarbatif. “Suspense” sonne encore aujourd’hui comme un authentique disque de science-fiction, peinture musicale d’un futur fantasmé, pas toujours riant mais qui évoque espace et robot, ce qui lui procure un charme fou. Mais il serait réducteur de réduire ce dit charme à une simple curiosité esthétique, c’est au contraire une collection cohérente de chansons très courtes (11 chansons, toutes sous les 2’30”, voire moins de 2’). “Suspense” distille de petits thèmes dansants (“Weekee Way” et son petit parfum disco, “Mister Green”), des atmosphères évocatrices (“Contemplation of the Mountains”, “Double Dream”, western de l’espace) tout en proposant son lot de moments hypnotiques (“Magnetic School”, “What Happens”, “Path to Tomorrow”). Autant premier jalon d’une grande et belle carrière que disque passionnant par son originalité encore prégnante, “Suspense” se (re)découvre avec le même plaisir 40 ans après sa sortie.