The Berg Sans Nipple est trop rare. Une poignée d’albums, quelques concerts, un petit tour et puis s’en va : on se revoit dans quelques années. Basta ! Cela suffit : on veut plus de The Berg Sans Nipple. Parce que ce ne serait que justice. D’abord parce que notre duo a gravé de magnifiques disques, rêveurs et dansants et que chacune de leurs interventions live toujours ludiques provoque une transe collective magique. Aussi parce qu’il y en a marre que The Berg Sans Nipple, à l’instar de NLF3, n’ait pas l’audience que le groupe mérite malgré un succès critique évident. Marre que ces groupes importants paient l’infortune de n’être pas bien nés (entendre ici non-Américains), d’être arrivés trop tôt, ou d’être cantonnés sur des structures militantes (Prohibited, Team Love, Clapping Music…). Ou les trois.
« Build with erosion », suit donc le téléchargeable « De l’amour ou de la mort ep », prolonge l’indispensable « Along The Quai » et permet au groupe de s’essayer à de nouvelles pratiques. « Et maintenant, ils chantent », pourrait-on dire pour commencer. « Change the shape », tout est dit, est porté par la rythmique hachée hip hop des prises de voix de Shane.
Berg Sans Nipple, fondé par deux batteurs de formation, est une affaire rythmique, c’est entendu, mais c’est tout de même étonnant et nouveau pour eux de baser le beat sur leurs voix. « Weatherman » joue sur le même registre, celui d’un post hip hop vraiment mutant, et explose les frontières habituellement pénibles du genre.
D’une manière générale, The Berg Sans Nipple réconcilie le corps avec l’esprit avec sa musique tribale post-moderne, à mille lieues des agaceries néo-hippies d’Animal Collective. Citons à ce propos « Sunday Morning » et son final de tambours de guerre sur fond de clochettes célestes, « Convert The Measurement » et ses sonorités aqueuses, ou encore le chamanique et irrésistible « Body Movement » avec ses chants réverbérés et ses percussions étranges.
Cet album, idéalement produit par Antoine Gaillet (véritable troisième homme du groupe), est l’équilibre parfait de leurs diverses techniques et un alliage alchimique solide et équilibré entre les machines et la chair : une batterie impressionnante et organique, des samples malins, des claviers inouïs (qui, à part eux, aurait l’idée tordue et géniale de brancher un orgue électrique sur un ampli basse ?), des collages révélant leur goût pour « Le Cadavre Exquis », des percussions afro-caraïbes, des pianos à pouce (« Dead Dinosaurs Rule the Earth »)…
Qui a vu le duo recréer ses folies sur scène et se démener au milieu d’un fatras impressionnant de câbles, pédales et instruments sait de quoi je parle et j’encourage vivement les autres à guetter les futures tournées.
L’album se ferme sur une délicate berceuse, « Pink Rays Sugar », entre boîtes à musique, claviers et percussions, tube parfait pour quitter cet album détonnant, se reposer les guiboles un instant, reprendre ses esprits dans ce chill-out ouaté musical… et appuyer sur « repeat ». Addiction assurée pour l’un des grands albums de cette année.