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Disques

Bedhead – 1992-1998

Bedhead - 1992-1998

On en a rêvé. Numero Group l’a fait. Une belle grosse réédition des trois LPs absolument indispensables dans toute discothèque qui se respecte de la bande de Dallas, apôtres du slow core, de la montagne russe de guitares, de la cymbale crash qui splashe.

Une deluxe box indispensable donc avec les trois albums et un double LP rassemblant les singles, EPs et les quelques morceaux écartés par le groupe (deux titres inédits seulement). On nous gratifie même d’un essai de 25 000 mots (on se croirait à la fac) signé du romancier wagnerien Matthew Gallaway pour envelopper les paroles des chansons et les visuels et photos du groupe.

Face à un groupe aussi peu disert que Bedhead, ce coffret nous faisait forcément saliver ! D’abord l’emballage cartonné : superbe gris légèrement violet qui va parfaitement avec le camaïeu des trois nuances de gris des trois albums. Il fait un peu pierre tombale avec le titre (les dates), mais c’est très Bedhead dans l’esprit.

Première joie à l’intérieur : tout est là. Toutes les photos, flyers, affiches de tournées. Toutes mais bien peu quand même. Bedhead, chantre du moins, de l’évasif à l’image de leurs pochettes (titres, durée, code barre, le tout souvent collés ensemble et puis c’est tout). C’est donc curieux de tout avoir et pourtant de rester presque aussi pauvre qu’avant  en informations et en images. Même le chargé de cours qui a pondu le texte se voit obligé de recourir à des interprétations philosophico-psychologisantes à la petite semaine pour essayer d’étoffer son affaire. Sa chance (et la nôtre pour ne pas totalement sombrer dans l’ennui), c’est de les avoir suivis un peu sur la route et d’avoir pu recueillir quelques (très) vagues témoignages de la part des intéressés. Tant mieux : le mystère reste donc entier sur la magie de production de ces trois divins albums, comètes fulgurantes du Texas. On apprend quand même deux, trois trucs intéressants comme la volonté de tout enregistrer live, de placer des micros à divers endroits pour capter des choses très précises mais aussi l’étendue du lieu, un entrepôt-squat pour « Whatfunlifewas », ou encore l’effacement des fins de morceaux sur les bandes de « Beheaded »  obligeant le groupe et l’ingé son à pénétrer de nuit dans le studio pour faire des prises supplémentaires et les mixer avec les débuts conservés et enfin, le rendez-vous raté (reporté disons) avec Albini pour « Transaction de Novo » dans un Electrical Audio alors encore en construction.

C’est d’ailleurs Albini qui aura le mot le plus juste à propos de Bedhead (je mal-traduit et trop simplifié, qu’on me pardonne) : « au milieu d’une époque d’exhibitionnisme brut, de bondage, de rack de pédales, de harpies hurlantes en costume de poupée, de mou du genou essayant de recréer un passé imaginaire parfait, Bedhead est arrivé en jouant ses notes et ses accords clairement et l’un après l’autre au lieu de tout en même temps et on avait besoin de ça. « 

Toutes les interventions d’Albini dans le texte font partie des nombreuses bonnes raisons de l’achat de ce coffret tiré à 2000 exemplaires.

Comme le dit le frère de la cosignataire de cet article : la musique des frères Kadane est toujours simple mais toujours intelligente (qu’on écoute « More than Ever » pour en être convaincu si besoin) et c’est ce que j’ai entendu de mieux sur leur musique avec les écrits toujours éclairés d’Etienne Greib.

A ce propos, l’achat de ce coffret m’a permis, à titre personnel, de mettre la main sur ce « 4-songCDEP19 :10 » contenant la reprise de « Disorder » de Joy Division par Bedhead vanté dans le Hit Records numéro 2 par le dit Greib en ces mots : « Pour s’attaquer au répertoire de Joy Division, il faut être soit débile mental, soit riche, soit les deux (Moby) « . Saint Etienne Greib ! Ce petit EP, enregistré dans une église, en une prise s’il vous plaît (après avoir fait une courte balance sans jouer l’intégralité des titres pour caler le son !!) est un véritable joyau et  penche sur le côté Velvet  (celui du duveteux « Velvet Undergound ») du groupe.

Autre bonne pioche, les premiers singles du groupe, tirés à quelques centaines d’exemplaires pour la scène locale texane qui montrent bien à quel point les morceaux étaient construits, au niveau mélodique mais aussi et surtout au niveau du son. Les enregistrements en studio poliront, ici ou là, deux ou trois prises mais l’essentiel est déjà présent. On apprécie ici particulièrement « The Rest of the day » avec une guitare un peu plus crado que dans la version album. On retrouve l’effet d’ »Unripened » du Velvet Underground lorsqu’on a découvert l’acetate du premier album et ses versions alternatives à la fois hyper intimes et tellement différentes.

Autre petits bijoux, outre le « The Dark Ages EP » enregistré entre « Beheaded » et le chant du cygne « Transaction de Novo », la face B de « Lepidoptera », « Leper » construit avec des inversions d’accords de la face A et cette reprise de « Golden Brown » dont on apprend qu’elle fit partie des trois reprises du groupe sur scène avec « Take Five » et, finalement, on voit bien la parenté avec le titre du Dave Brubeck. Secret révélé (ou blague potache à notre intention) : Bedhead avait le projet de bosser sur un album jazzy ! On regrettera que cette anthologie ne reprenne pas les titres enregistrés avec Macha, groupe frère, rien que pour mettre entre plus d’oreilles la rigolote reprise de Cher, « Believe » avec un clavier téléphonique !

Pour la peine et parce qu’on est venu à ce « Bedhead loves Macha, Macha loves Bedhead » par là, rendons hommage à Quentin de nos confrères de sdep.com qui a écrit en 2002 un long et bon article sur la question Bedhead et qui fut longtemps sur le web français l’article le plus complet, sincère et enthousiaste sur ce groupe culte.

Même si on connaît les 3 LPs sur le bout des doigts, les ré-entendre en vinyle re-masterisés, savourer la lente maturation du groupe, voir Bubba Kadane se tailler une place vocale de plus en plus grande est un des grands plaisirs nés de l’écoute de ce coffret. On sent Bedhead aller doucement mais sûrement vers le grave, l’épars. Même la batterie, peut-être l’élément le plus bavard avec ses symphonies de cymbales, va vers l’épure au cours de ces trois albums. Des trois guitares entremêlées et une basse en soutien de « WhatFunLifewas » on arrive quand même au concert des deux basses/une guitare sur le léger « Exhume » de « Transaction de Novo » pour finir sur un « The Present » apaisé et délaissant la place prépondérante des guitares pour un tapis de claviers annonçant en cela la tournure des événements  sous l’alias The New Year.

On pourrait regretter éternellement de ne pas avoir vu Bedhead sur scène, de ne pas voir ces trois guitares érudites et sensibles s’épauler, ou encore de savourer le jeu de cette batterie venue du jazz  tenue par Trini Martinez, neveu de Trini Lopez (écoutons encore Chris Brokaw, fan parmi les fans puisqu’il tient aujourd’hui la batterie de The New Year : « écoutez cette cymbale ride. On peut raconter une vie avec une ride ») mais rassurons nous : les frères Kadane n’ont rien perdu de leur superbe et suprême talent dans The New Year et Overseas. Info de dernière minute spécial tapage de porte-monnaie : on nous annonce la sortie pour le Record Store day 2015 d’un album live enregistré à Chicago en 1998 !!! 

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