ASTRÏD – &
(Arbouse Recordings / Anticraft) [site] – acheter ce disque
Pour entrer dans l’univers d’Astrïd, il faut se faire un peu violence, déjouer ses impatiences, réapprendre le miracle de la lenteur. Alors seulement commence l’écoute de ce double album roboratif (deux heures et vingt minutes de musique instrumentale). La vraie. Celle qui déplie les morceaux, explore chaque recoin, attentive au moindre souffle et rebondissement. Trio funambule qui officie depuis une dizaine d’années au croisement des disciplines (vidéo, musique, improvisation…) Cyril Secq, Vanina Andréani et Yvan Ros rappellent combien ils possèdent l’art de l’équilibre : de la lenteur certes mais pas de l’indigence, de l’endurance sans logorrhée, du tempérament jusque dans l’épure. Une secrète alchimie unit ces trois instrumentistes aux sensibilités différentes. Amour des timbres et des sons, goût de l’improvisation, simplicité pop qui évacue toute intention cérébrale. Assez vite, ce disque révèle sa personnalité. Folk, à dominante acoustique. Epurée. Syncrétique aussi puisque "&" fait se télescoper une somme d’influences composites sans jamais choisir de direction. Là des bribes de blues primitif, ici du space folk, plus loin de la musique de chambre anémiée, un petit air de boîte à musique ailleurs. Le sens jaillit quand il veut et au gré des humeurs de l’auditeur transformant l’écoute en une perpétuelle redécouverte. Il faut bien avouer qu’il y a des moments de toute beauté qui justifient de longues minutes d’attente comme "La Foulée, "La Chambre" ou "Les Camisards", titres sur lesquels l’orchestre s’emballe et trouve l’extase.
Pour le reste, cette façon de défier le temps et l’apesanteur avec exigence (un peu à la manière de Colleen avec sa viole de gambe) est aussi la limite de l’exercice. Après des semaines d’écoute répétée, j’en viens à me dire que cette longue promenade, pour partie improvisée, s’épanouit mieux en musique d’ambiance qu’au premier plan. Attention pas une vulgaire musique d’ascenseur mais un chant de pleine lune ou de grande marée, en écho au vent, au ressac ou aux pépiements d’oiseaux. Un chant magique, magnifiquement souligné par la rugosité des cordes frottées ou pincées et le timbre d’un hautbois grave. Du stylisme sonore de plein air et aussi un acte de liberté totale !
Luc Taramini
A lire également, sur Astrïd :
la chronique de « Music For » (2005)
N
Sacré
La Foulée
F
Kali
D
Déjà vu
Ecran
R
Low Blues
Caminando
La Chambre
34
"Beware…"
Les Camisards