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Disques

And Also The Trees – Born into the Waves

And Also The Trees - Born Into the Waves

And Also The Trees est l’un des rares groupes issus de la cold wave des années 80 qui ait réussi à évoluer, faisant mieux que simplement survivre. A la fois gothique dans ses inspirations, post-punk, profondément folk (l’acoustique et étonnant When the Rains Come en 2009), la formation anglaise a su lentement mûrir à l’écart d’un succès grand public, accompagnée dans ses incarnations successives par un noyau de fans fidèles et fervents. Plus sobre, expressif par précision plutôt que par exagération, Hunter Not the Hunted, dernier album en date, était une nouvelle étape importante dans une œuvre toujours plus exigeante. Born into the Waves, quatre ans après son prédécesseur, réussit à son tour l’exploit du mieux, et c’est un ravissement.

Ravissement d’entendre de nouvelles balades noires, aussi épurées (The Sleepers), littéraires et voyageuses. Ravissement d’être transporté, toujours, par la théâtralité du chant de Simon Huw Jones, plus en retenue qu’autrefois, capable de faire germer ces décors décharnés d’abbayes, de smog, de docks et de nuits d’hiver, avec la magie du conteur, rappelant par son impassibilité et sa douceur le Nick Cave des Murder Ballads (comme sur Winter Sea). Les guitares et les mandolines de Justin Jones, elles, sont toujours exactes dans leur mélopée ; le jeu de batterie, d’une légèreté jamais entendue encore. On pourrait dès lors s’éterniser à catégoriser cette écriture musicale si peu commune et si reconnaissable, mystique et violente comme un poème de Blake, capable de mêler à une base électrique des instruments rares et délicats (accordéon, zither, orgues…).

Mais la musique d’AATT se meut comme un esprit libre de se corrompre où bon lui semble : musiques profanes, folkloriques (de leur Worcestershire natal, aux vallons gothiques, et jusqu’en Espagne et à l’Est, où le groupe semble se nourrir toujours plus de traditions), héritage romantique de la new wave, fulgurance du punk… Et toujours cette même détermination à sonder le désespoir comme matériau poétique infini. Jusqu’à caresser des formes plus répétitives et oniriques sur la fin de l’album (The Bells of Saint Christopher’s), comme une ligne de fuite laissant poindre d’autres explorations à venir.
Il est donc difficile, à l’écoute des dix titres de l’album et sans recul, de conclure autrement que par la louange, tant Born into the Waves est un disque splendide, d’un raffinement proche de la perfection. Et on peut légitimement attendre mieux encore du groupe pour les années à venir, tant la maturité a su tirer vers le haut leur poésie et poser leur effort exactement là où la sensibilité bat ; tant aussi ils paraissent investis et passionnés, capables pour longtemps de tenir grandes ouvertes les portes du purgatoire. Nous pouvons avoir une foi aveugle, et compléter l’écoute de cet album par celle des derniers de Tindersticks et Matt Elliott, aussi sublimes, terrifiants et éclairants. Les maîtres du romantisme ont encore quelques larmes à nous tirer.

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