Lundi soir, quelques heures avant l’annonce du décès de Manu Dibango, on apprenait sans plus de détails la mort à 61 ans d’un musicien moins connu mais tout aussi influent : le brun ténébreux Gabriel Delgado-López alias Gabi Delgado, moitié du duo allemand et germanophone Deutsch Amerikanische Freundschaft (DAF) aux côtés du blond Robert Görl. Auteur de pas moins de cinq albums entre 1979 et 1982 (avant quelques come-backs assez anecdotiques, dont on retiendra surtout des performances scéniques toujours intenses), le groupe était passé d’un krautrock bruitiste et expérimental à une électro minimaliste, dansante et souvent tentée par l’efficacité pop, mais toujours martiale et agressive. Ou alors d’une douceur perverse, comme sur “Der Raüber und der Prinz”. A l’instar de Suicide aux Etats-Unis, Soft Cell en Grande-Bretagne ou Kas Product en France, DAF aura imposé la formule “une voix (Delgado) + un homme-machine (Görl)”.
Avec son look gay cuir SM, son sens de l’ambiguïté et de la provocation (son morceau le plus connu, petit succès dancefloor forcément mal compris par certains, nous invitait à “danser le Mussolini, danser le Adolf Hitler, danser le Jésus-Christ”) et sa volonté de faire table rase en tournant le dos aux racines anglo-saxonnes du rock’n’roll, le duo repéré par Daniel Miller, boss du label Mute, et produit par le mythique Conny Plank allait faire naître bien des vocations. Le rock industriel, l’electronic body music (EBM), l’electro-clash et la techno la plus radicale lui doivent énormément, même si peu de ses successeurs auront su aussi bien marier économie de moyens, pertinence du discours et expressivité vocale – une sorte de parlé-chanté exploitant remarquablement les sonorités gutturales de la langue germanique. Hors DAF, Delgado aura aussi sorti quelques disques solo, dont “Mistress” en 1982 chez Virgin, qui mériterait une réédition en bonne et due forme (on vous le met ci-dessous en attendant).