NLF3 post-confinement. Angoisses larvées, ressassement de motifs de joie, solitudes reliées par l’échange de fichiers et coutures en studio. Un album d’un groupe toujours aussi enthousiasmant, même si plus noir et lourd.
Le syndrome français… Essayons une expérience de pensée : si NLF3, formé il y a près de 25 ans à Paris par les frères Nicolas et Fabrice Laureau (ex-Prohibition, alias Don Niño et F/Lor), avait été anglo-saxon, il serait en tête de tous les classements, pop, expérimentaux et serait un des groupes inépuisables, qu’on verrait sur toutes les scènes qui comptent, petites ou grandes. Oui mais voilà ma brave dame, ils sont d’chez nous. Alors qu’ils ont en vérité les oreilles et les mains tournées vers tous les horizons du monde ! Afro beat, dark ambient, post punk, envoyez la musique (les musiques). Musique pour danser et se creuser les méninges, essentielles et pleines de références, sans faire de jaloux.
On ne sait jamais à quoi vraiment s’attendre avec un disque de NLF3, dans quelles directions il va nous emmener. En cela, on peut se sentir plus ou moins proche suivant les livraisons.
Et ce nouvel album me touche beaucoup. Globalement plus sombre, il fouille des bacs qui m’ont toujours plu. Est-ce le retour de Shane Aspegren dans la galaxie Laureau ? Toujours est-il qu’un air de Berg Sans Nipple (groupe énorme de ces vingt dernières années, magistral sur scène comme sur album et dont l’insuccès me met en rage) flotte ici ou là (Ka in You You). ”O Days” s’est-il aussi nourri des triturages sombres de Bruit Noir, avec l’impeccable Pirès (mon amour) à la manœuvre (il est derrière les fûts depuis 2006) ?
Et puis, il y a toujours cet africanisme (Prince One, Cannette) qui surnage ici, englué dans une mélancolie, voire une mélasse sombre post-punk mais aussi venue des musiques électroniques les plus extrêmes, des magiciens de studios qui désenchantent (et ruinent…) les quadras bientôt quinqua à coup d’éditions limitées sur boomkat.
L’optique de production de l’album semble avoir été la vague, la dilution. Les éléments apparaissent, s’effacent, ressurgissent, quelquefois juste à l’état de fragments quand ce n’est pas le morceau lui-même qui semble rester dans un état d’inachèvement ou plutôt un état d’esprit, un vague à l’âme, une inspiration momentanée.
“O Days” incarne peut-être le plus, dans sa forme même, les méthodes de jeu de NLF3, voire des différentes incarnations des membres du groupe. Ainsi Spring Tun’ pourrait apparaître dans le corpus de Don Niño, mais les coulées de basses et les zébrures (percussions, productions) donnent une toute autre teinte au titre.
Quoiqu’il en soit, “O Days” est une excellente surprise d’un groupe toujours prolifique avec de nouvelles atmosphères plus lourdes et plus sombres et un côté inachèvement, mise en suspens, comme des scansions à la Jacques Lacan, des plus stimulantes.
Avec l’aide de Johanna D, africaniste de salon.
”O Days” est sorti en LP, numérique et CD chez Prohibited Records le 25 octobre 2024.