On continue à remonter dans le temps avec Xavier Boyer. Nouvelle décennie, nouvelle indépendance, nouvelles directions musicales, plus électroniques, dansantes et expérimentales, mais toujours avec la “Tahiti touch”.
« Après avoir été sur Atmosphériques qui était un gros indépendant, puis sur Barclay, une major, pour “Activity Center”, on a fait ce disque avec notre propre structure. C’est aussi un album assez particulier dans le son, plus électronique dans l’ensemble, j’avais écouté pas mal de synth pop du début des années 80, type Depeche Mode. La direction qu’on va donner à un disque part toujours de ce genre d’envie, on n’a pas un paper board sur lequel on aurait noté une liste de styles qu’on se sentirait obligés d’explorer et qu’on rayerait album après album ! On est simplement des fans de musique qui écoutent diverses choses et qui se demandent toujours comment ils pourraient intégrer de nouvelles couleurs dans la “formule” Tahiti 80.
Il y a un gros tube sur l’album, du moins à notre niveau, “Easy”. C’est drôle parce qu’on avait plus misé sur “Darlin’” et des morceaux dans ce style, plus rentre-dedans. Bon, on n’est pas toujours les meilleurs pour choisir nos singles !
Histoire de se rassurer, on avait fait venir Tony Lash dans notre cave à Rouen, le Tahiti Lab. Il a survécu, même si je crois qu’il n’a jamais aussi mal mangé de sa vie ! On était sur la zone du Kalif, en périphérie de Rouen, et il n’y avait qu’un restaurant… qui a d’ailleurs dû fermer depuis. La nourriture était trop riche pour lui, à un moment il n’en pouvait plus. Mais ça reste un bon souvenir. Tony avait mixé “Wallpaper for the Soul” et mon premier album solo. C’est un collaborateur qu’Eric Matthews nous avait conseillé au départ. On est donc toujours en famille, en quelque sorte. D’ailleurs je partageais un appart avec lui à Rouen. Et il ne s’est pas contenté de mixer l’album, c’est un très bon ingénieur du son et il nous a fait des suggestions judicieuses.
Ça reste un disque un peu patchwork, qui part dans plusieurs directions. Il y a par exemple un instrumental, “Rain, Steam and Speed”. A une époque, on l’aurait plutôt mis sur une face B de single, mais on avait envie de montrer cette autre facette de Tahiti 80. On trouve aussi une reprise d’A.R. Kane, “Crack Up” (la seconde après “A Love from Outer Space”, NDLR), dans une version “extended” de 8 minutes qui devient très electro sur la fin. Et puis le morceau titre qui est construit en trois parties. Ou encore “Defender”, en ouverture, qui était en fait une composition de Sylvain, une démo qu’on a retravaillée en groupe. On était contents car elle avait un côté très krautrock, tout en intégrant des influences qui n’avaient pas trop transparu dans notre musique jusqu’ici, comme Television. En fait, on ne s’est pas trop posé de questions, on s’est juste fait plaisir.
On a aussi travaillé avec Tore Johansson, qui avait produit le premier album, un peu comme un retour aux débuts du groupe. Ce titre, “The Past, The Present & the Possible”, soit les piliers du modernisme, prenait ainsi tout son sens. J’avais trouvé cette référence dans un texte de Peter Saville, le fameux graphiste du label Factory, entre autres, écrit pour un livre sur un autre graphiste, Barney Bubbles (Colin Fulcher de son vrai nom, 1942-1983, NDLR), qui a notamment fait des pochettes pour le label Stiff et Elvis Costello – livre qu’on m’a emprunté et jamais rendu, d’ailleurs, que le coupable se dénonce ! Il expliquait que Barney Bubbles était quelqu’un qui venait de l’art mais qui avait su s’adapter aux contraintes de son époque. Je trouvais que c’était une bonne façon d’envisager n’importe quelle forme d’art.
Evidemment, quand on fait un disque, il faut se faire plaisir, mais aussi penser eux gens qui vont l’écouter, et réfléchir à la façon dont on se place dans l’époque. Aujourd’hui, il y a beaucoup de disques hyper référencés qui sortent, où le groupe essaie d’avoir le son de 68… et d’ailleurs y arrive, mais parfois ça me semble un peu trop facile de faire ça. Avec Tahiti 80, on a toujours cherché à inscrire notre musique dans son temps. Sur cet album, il y a des morceaux plutôt pop à guitares légère, comme “Easy”, et aussi une palette de sonorités plus expérimentales, un peu electro. Je pense que c’est un disque assez charnière dans notre parcours. C’est le début de l’aventure en indépendant, il y avait moins de directeurs artistiques derrière nous. On fait tout nous-mêmes, et en même temps. »
Déjà publiés :
“Ballroom”
”The Sunshine Beat Vol. 1”
“Here With You”
“Hello Hello”