Plus de trois ans après un premier album (officiel) salué dans nos pages, Félix Dupuis – aka Feldup – en sort un nouveau, “Stared at from a Distance”, dans la continuité du précédent. Sans fausse pudeur ni voyeurisme, l’artiste se livre et se délivre dans une œuvre autobiographique et revient sur les tourments, les traumas et les douleurs nés d’une expérience éprouvante : la relation avec une fan plus âgée qui, selon l’artiste, l’a « agressé sexuellement à plusieurs reprises ».
En 2020, à propos de “A Thousand Doors, Just One Key”, nous saluions le talent de Feldup et sa capacité à décrire le spleen de la génération Z. Pas sûr que notre ami aille beaucoup mieux aujourd’hui. Comme un exutoire, “Stared at from a Distance” est une sorte d’album concept autour d’une relation toxique. Cela commence par trois notes de piano, en boucle, angoissantes (“Waters”). Et pour cause, Feldup, de sa voix habitée, raconte ses insomnies et l’impression de se noyer. Une colère latente aussi, avec ses guitares coups de poing prêtes à fendre le mur du son, et ces trois notes, toujours. On comprend vite pourquoi sur le titre éponyme. Douze minutes sans structure et pourtant haletantes, entre breaks inspirés et déflagrations soniques. Feldup se livre alors totalement, sous l’emprise d’une fan dans la trentaine rencontrée alors qu’il n’était pas majeur.
Une fois encore, musicalement, on songe plusieurs fois à Car Seat Headrest (“Naked and Afraid”, “Fear of Abandonment” ou le colérique et très réussi “Death of an Illusion”). Le rock new-yorkais des années 2000 est lui aussi de la partie avec “Dizzy” et sa guitare très Interpol et bien entendu The Strokes, notamment sur les tubesques “Shove It” et “Crying as a Weapon” que vous risquez fort de chanter sous la douche pendant quelques semaines.
« Quand j’ai commencé à écrire ce disque en 2020, la souffrance était à son comble. Écrire a toujours été nécessaire pour moi, cela me permettait de détourner mes pensées et de donner un sens aux choses affreuses qui m’arrivaient », confie le touche-à-tout originaire de Franche-Comté. Comme sur le premier album, Feldup place vers la fin de l’album deux longs formats parfaitement maîtrisés. “Death of an Illusion” et ses dix bonnes minutes intenses de lucidité, de colère voire de règlement de comptes et de défouloir. Puis “It Never Leaves” où la catharsis prend forme au bout de ses neuf minutes. “To Love Again”, tout en douceur, clôt l’album sur une note mystérieuse : guérison ou rechute ? Ce qui est sûr, c’est que ce “Stared at from a Distance” accouché dans la douleur confirme tout le talent de Feldup, sur qui nous allons définitivement garder un œil. Même de loin.