Au travers de son second album, la chanteuse australienne Maple Glider se dévoile davantage sur une musique un peu plus étoffée, pour un résultat toujours aussi émouvant.
Le trouble et l’émotion ressentis s’incrustent durablement dans l’esprit. D’avoir été touché à ce point laisse une trace indélébile dans l’âme de celui qui l’a expérimenté. C’est ce que nous avons pu vivre à l’écoute de “To Enjoy Is the Only Thing”, le premier album de Maple Glider sorti en 2021. De son vrai nom Tori Zietsch, cette chanteuse australienne avait en effet profondément marqué les consciences avec son folk dépouillé d’une beauté à couper le souffle. Il est peu de dire que le successeur de cette magistrale œuvre inaugurale était grandement attendu. Pour donner suite à ce premier coup de maître, Tori Zietsch s’est donc entourée de la même petite équipe que sur celui-ci et notamment du producteur Tom Iansek qui l’avait alors brillamment épaulée.
En ressort un disque qui s’éloigne quelque peu de la facture folk plutôt classique de “To Enjoy Is the Only Thing” pour proposer une musique un peu plus étoffée et arrangée mais toujours sans la moindre surcharge, Maple Glider laissant le maximum de temps et d’espace dans ses chansons afin de les rendre on ne peut plus confortables et accueillantes. C’est le cas dès le morceau d’ouverture “Do You”, douce et calme entrée en matière dans laquelle on a littéralement envie de se lover tendrement, avec ces quelques arpèges de guitare acoustique qui se répètent tout au long du morceau. Lui succède “Dinah”, une chanson qui interpelle par le contraste frappant entre son aspect très pop et ses paroles exprimant sa défiance envers l’Eglise (dans son enfance, Tori Zietsch a reçu une stricte éducation religieuse) et ce qu’elle lui a fait subir (« So I’ve been in the church making sure no one’s looking up my skirt / But I do not feel safe here »).
C’est l’autre grand changement entre ce nouvel album et son prédécesseur, sa plus grande ouverture, le fait que la chanteuse se livre davantage, ce qu’elle ne se sentait pas prête à faire jusqu’à présent mais qui s’affirme désormais, de sa part, comme un réel besoin d’honnêteté voire d’impudeur dans les paroles de ses chansons, afin de se « nettoyer le cerveau » comme elle dit elle-même. Au travers de mots simples, elle exprime ainsi les difficultés qu’elle a rencontrées, elle évoque ses souvenirs, les relations amoureuses compliquées qu’elle a pu avoir. Nous en avons d’ailleurs la preuve avec “Two Years”, troisième titre à l’ampleur toute cinématographique, marqué par des changements de rythme dans une ambiance toujours aussi calme, sur lequel elle exprime sa joie d’avoir quitté un copain auprès de qui elle se sentait enfermée (« You’re a beautiful man, but I’m trapped in this heaven », et plus loin « I’ve been so happy since I booked my flight to leave you »). Quant à “Don’t Kiss Me”, titre renversant procurant véritablement des frissons, il se présente comme une réaction contre l’attention sexuelle non désirée (« Sometimes my own body doesn’t feel like my body / But definitely don’t kiss me »).
De toute façon, sur ce nouvel album de Maple Glider, il n’y a pas que la musique qui se révèle touchante. Il y a aussi la voix souvent déchirante de la chanteuse, une voix à la grande expressivité qui, en même temps, fait ressentir une vraie impression de proximité avec elle. Sur tous les morceaux qui s’enchaînent, que ce soit “You at The Top of the Driveway”, “You’re Gonna Be a Daddy” ou “For You and All The Songs We Loved”, c’est comme si nous cheminions avec Maple Glider, prenant notre temps en sa compagnie, voulant reprendre le refrain en chœur avec elle, surtout quand elle en arrive elle-même à décomposer lentement jusqu’au titre de la chanson comme sur “Surprises”, envoûtante avant-dernière chanson où les chœurs nous élèvent très haut. L’album se conclut magnifiquement sur le très lent “Scream”, empli d’un espace dans lequel on se sent parfaitement bien et où la voix plus ample de la chanteuse fait beaucoup penser à celle d’Angel Olsen sur son dernier album.
Au sortir de ce rêve éveillé, on finit par trouver cet album trop court tant il serait souhaitable que ce temps de totale plénitude dure plus longtemps. La musique y est si agréable qu’on est prêt à écouter avec bienveillance les confidences d’une Maple Glider touchée par la grâce. Finalement, on comprend surtout que les chansons de l’Australienne sont le plus bel endroit au monde actuellement.