Si la Française prend toujours son temps pour sortir un album, Maud Lübeck a jusqu’à présent su bâtir patiemment une belle discographie, qui pose toujours un regard fin mais lucide sur la vie, ses étapes, qu’elles soient douloureuses (la séparation dans “Toi non plus” en 2016) ou heureuses (“Divine” en 2019, qui contait une rencontre amoureuse). Toujours dans l’introspection, ce nouvel album “1988, chroniques d’un adieu” voit l’autrice se replonger dans la peine de ses quinze ans, et la disparition soudaine d’un amour encore tu, et pourtant fort comme on aime quand on est adolescent.
Conçu comme un film dont on découvrirait le synopsis, “1988 : chronique d’un adieu” convoque trois actrices immenses du cinéma français, qui prêtent chacune leur voix à un titre : Irène Jacob, Clotilde Hesme et Nicole Garcia. Au-delà de ces apparitions magnifiquement amenées, dont la présence n’a rien de gratuit, il y a autant de morceaux qui explorent chaque état de cet amour disparu. D’abord cette détonation initiale, la sidération face à l’absurdité de la situation (“Un jour sur Terre”, “Pourquoi”) à laquelle succède la mesure de la douleur qui frappe (“L’Eternité”). Avec une grâce infinie, Maud Lübeck embrasse pleinement son moi de 15 ans, ses sentiments, les fait vivre par sa voix, son piano souvent ardent et un casting autour d’elle qui vient donner de l’ampleur au disque (Tatiana Mladenovitch à la batterie, Thibault Frisoni à la basse, collaborateurs réguliers de Bertrand Belin entre autres).
Habitée par le deuil, la jeune Maud Lübeck de l’époque cherche des signes de la présence de la disparue (“Était-ce toi ?” avec la voix de Clotilde Hesme), mesure l’ampleur du vide (“Mes lendemains”) et du temps qui vole tout (“Au voleur”), fait vivre le souvenir (“En parallèle”) dans un échange sans réponse. A chaque fois, elle émerveille par sa faculté à trouver les mots justes, élégants pour dire la force des sentiments, toujours à la juste distance pour respecter l’intimité de celle qu’elle fut à 15 ans et nous laisser partager sa peine. Cet adieu va presque autant à l’amour disparu qu’à cette année 1988, pour tout ce qu’elle symbolise et qu’elle a pris à la jeune femme : il est en tout point magnifique, signature d’une grande plume désormais incontournable.