Hawksley Workman est un garçon qui ose beaucoup… et ça lui réussit plutôt., tant s’effacent vite les comparaisons forcément castratrices déclenchées par la sortie successive de ses deux premiers albums : Jeff Buckley pour les dons vocaux et le côté envie dévorante d’exister, Rufus Wainwright pour un certain côté bohème canadien et Freddy Mercury parce qu’il n’a pas de moustache. L’irrépressible tentation de se noyer dans l’excès fait paradoxalement ressortir ses talents de compositeur surdoué, capable d’enchaîner ballade à pleurer et tube glam certifié. Sur scène, Hawksley gagne à l’aise ses galons d’Entertainer de l’année, que ce soit en solo, en groupe ou en compagnie de son fidèle pianiste Mister Lonely. Bref, une entrevue avec le jeune canadien s’imposait et voilà qui fut fait au lendemain d’une prestation remarquée au Café de la Danse. Rencontre entre deux bêtes de sexe.
Deux albums en quelques mois, un troisième qu’on dit déjà prêt… les choses vont vite chez Hawksley Workman ?…
Le troisième n’est malheureusement pas encore prêt… J’ai bien commencé à y travailler, mais je n’ai plus le temps. Avant j’avais beaucoup de temps libre, mais maintenant que ça commence un peu à marcher, je fais beaucoup de concerts, je rencontre des gens. Il m’arrive de déplorer que cet album ne soit pas prêt à sortir, j’ai tellement d’idées sur le feu.
Tu as besoin de couper les ponts avec le monde extérieur, de t’enfermer dans ton chambre pour composer ?
(rires) oui, c’est ça, exactement. J’ai un planning très chargé, mais il faut me laisser le temps, ça viendra. Je suis d’ailleurs en train de m’installer à Paris. J’aime beaucoup cette ville. Et je pense que je vais en retirer une nouvelle énergie, des occasions de découvrir de nouvelles choses. À Paris, on se sent plus en contact avec l’Histoire, mais il y a également un mouvement vers l’avant, il y a un équilibre entre les deux. Je viens de Toronto, c’est une ville nouvelle, rien n’est plus vieux que cent ans. Et puis également, les Français semblent plus passionnés par la musique, je suis plus attiré par les valeurs françaises que par les valeurs nord-américaines. Et puis j’ai envie de parler davantage français que je ne le fais à Toronto, où je ne le fais pour ainsi dire jamais (rires).
Tu connaissais Paris avant de venir y jouer ?
Non, non (en Français dans le texte).
Tu avais une vision fantasmée de cette ville alors ?
Non, non. Oh, désolé, j’ai le nez qui coule… (il se lève pour aller chercher un mouchoir et se mouche). Désolé.
Pas de quoi.
La première ville européenne que j’ai visitée, c’est Londres. C’est pas mal mais bon. Il y a vraiment quelque chose de spécial avec Paris. J’ai visité beaucoup de villes en Europe, par exemple Dublin, que j’aime beaucoup. Tu es déjà allé à Dublin ?
Oui, j’aime beaucoup Dublin, et pas trop Londres.
Et en plus la vie est très chère à Londres.
Bon, revenons à ta musique… tu as enregistré tes deux premiers albums pratiquement tout seul, as-tu l’ambition de changer cette méthode de travail pour le troisième ?
C’est plus facile et moins cher d’enregistrer ainsi, et j’aime enregistrer très vite. J’aime garder mon élan lors de l’enregistrement, ce qui n’est pas possible quand il commence à y avoir d’autres personnes impliquées, les choses sont ralenties. Je pense que je travaillerai avec d’autres personnes, c’est juste que… je ne l’ai pas fait pour l’instant ! je suis un peu égoïste aussi. J’aime tellement jouer de tous les instruments, je ne veux pas renoncer à ce plaisir et laisser d’autres le faire à ma place !
Interpréter est une chose, mais laisser d’autres personnes s’impliquer dans la façon dont ta musique sonne, t’apporter des idées, cela ne serait pas intéressant ?
Si, tu as raison, cela pourrait être pas mal de bosser avec un producteur. Si je dois le faire, je le ferai pour le troisième album. Tu penses que c’est mal que je fasse tout tout seul ?
Non, non, au contraire, ça peut être très frustrant de devoir faire des compromis avec quelqu’un, de laisser quelqu’un s’immiscer dans ce que tu fais, surtout si tu as déjà une idée précise de ce que tu veux faire.
Je me sens très à l’aise quand je m’exprime tout seul. S’il y avait quelqu’un avec moi cela me perturberait.
Tu as aussi sorti un livre, un recueil de lettres…
J’écrivais ces lettres, qui étaient publiées dans un journal à Toronto… et ça a évolué pour donner un livre. Au début je faisais ça pour la promotion de l’album, et puis je me suis pris au jeu, et le livre a reçu un très bon accueil au Canada. Je ne m’y attendais pas.
Penses-tu qu’une traduction sortira un jour en France ?
Ce sont des lettres, mais c’est surtout de la poésie. Je pense que la poésie est très dure à traduire. Il faudrait un traducteur très sensible !
Quand tu parleras suffisamment bien français, tu pourras t’y attaquer ?
(rires) J’ai acquis une expérience dans l’écriture en anglais que je vais mettre du temps à acquérir en français…
Tu m’as dis que ces lettres étaient de la poésie… qu’est-ce qui différe, entre l’écriture de tes lettres et celles de tes chansons ?
Quand j’écris des chansons, j’écris la musique et les paroles simultanément. Les mots doivent… jaillir comme de la musique !
Quand on écrit des lettres, c’est totalement différent, c’est très libre. Quand tu choisis des mots pour une chanson, tu dois avoir une conscience très poussée de la façon dont ils vont sonner.