Depuis la sortie sur Plague Language d’un « Clockforth Movement » sans prétention mais craquant, accrocheur et plus naturel que la plupart des sorties du label canadien, nous avions une très forte envie de rencontrer la rappeuse Penny. Ca n’est toujours pas chose faite (la Californie, c’est loin) mais, Internet aidant, nous sommes toutefois parvenus à en savoir un peu plus sur elle, son bagage, ses projets.
D’après ce que j’ai compris, tu es californienne. Comment t’es tu retrouvée chez les canadiens de Plague Language ?
Orphan m’a contactée. En fait, seule une partie des membres de Plague Language vivent au Canada.
Quand et comment as-tu commencé à rapper ?
Au lycée. J’ai été adoptée par une bande d’adorateurs du Wu Tang, le Sun Tzu Squad. J’ai commencé à écrire et j’ai rappé mon premier morceau sur scène lors d’un spectacle donné par l’école. On a fait une intro genre « wave your hands in the air… » (mon copain rappait avec moi). On a trouvé un nom, les Homegirls. On portait des t-shirts extra-larges bariolés avec des pantalons noirs stretch. C’était quelque chose.
Tu rappes des fois très vite à la façon du Project Blowed. Tu connais les rappeurs de l’underground californien ?
Le seul artiste angelino avec qui j’ai collaboré est Ahmuse des Escape Artists. C’est une femme très douée. Tu pourras découvrir une de nos vieilles collaborations sur la compilation Beyond Space prévue pour Février, « A Guide to Burning Bridges… ». Je serai avec elle sur le prochain album des Escape Artists et elle sera sur le prochain Penny.
Parlons de ton album. Ce format très court, c’était un choix de départ ?
Je veux que mes textes soient les plus concis possible. Pour moi, il est important de trouver tout de suite le mot parfait, même s’il s’agit d’un néologisme, plutôt que de partir dans de longues descriptions et des images compliquées. C’est ce qui est arrivé au bout du compte. Des phrases courtes, des chansons courtes, une poignée de titres. J’aimais bien le concept de l’horloge, je voulais en rester à 12 titres.
Un mot sur tes producteurs attitrés (manicdepressive, Wes Bonifay, Rajbot, Ognihs) ?
Manicdepressive est mon seul producteur « attitré ». Wes Bonifay aussi, si j’arrive à garder sa trace. Cela fait six ans que manicdepressive produit mes beats. Il s’est chargé de la moitié de la production des mix CD de SA-2, des White Collar Criminals et des Suspended Animators. Ognihs a fait l’autre moitié de ces albums, et il apparaît sur Quicksand et quelques autres projets. Les deux préparent de très bons albums pour bientôt. Celui d’Ognihs est prévu chez Beyond Space Entertainment. Wes Bonifay et Rajbot sont de vrais musiciens. Les deux jouent un peu de tout et font partie de bons groupes. Ce sont deux personnes très créatives, et très flexibles.
T’impliques-tu dans la production ?
Sur les deux ou trois premiers titres de The Clockforth Movement, je n’ai fait que rapper sur des beats qu’ont m’a passés. Après ça, je me suis davantage impliquée dans la production, peut-Ítre mÍme trop. Je suis un peu trop rentrée dans les détails. Juste avant que Wes Bonifay ne produise « The Shift to N », je lui ai fait toute une liste de mes besoins : les tempos et leurs changements, le type de percussions, le ton des mélodies, etc. Il a fait un super boulot, un boulot bien supérieur à ce que j’envisageais moi-mÍme. J’adore ses percussions et ses changements de tempo. Avec manicdepressive nous avons nos habitudes. Il me propose un squelette de beat et nous le modifions ensemble selon mes idées de chanson et selon son oreille très musicale. Quant à mes propres productions, vous pourrez les découvrir sur les prochains albums.
On entend tout un tas de guitare acoustique sur The Clockforth Movement. Le dernier titre en particulier est bâti autour d’un sample du magnifique « Day is Done » de Nick Drake. Tu es influencée par le folk rock ou des genres approchant ?
Mes producteurs le sont plus que moi. Toute la musique que j’ai faite les années passées, quand elle n’est pas influencée par le hip hop, l’est par les rockeurs actuels. Je n’ai fait que mettre le maximum d’énergie dans The Clockforth Movement après avoir reçu une super mixtape de manicdepressive.
Poursuivons avec tes influences. C’est quoi donc tes influences personnelles ?
Ceschi and Anonymous inc., K-THE-I???, MF Doom, Escape Artists, quelques trucs d’Anticon, Noah23, Troubadour, du hip hop hawaïen, quelques trucs Def Jux (je suis super fan d’Aesop Rock). Quant au reste, il s’agit de tous les trucs non hip hop que tous les fans de hip hop écoutent : Belle & Sebastian, Radiohead, Portishead, Tsunami Bomb, the Moldy Peaches, certains trucs de Sneaker Pimps, At the Drive-in, Modest Mouse, the Strokes (pas taper).
Ta playlist du moment ?
Vaudeville Villain
Beyond Space Presents Volume One
Talking Honky Blues
The Moldy Peaches
Des tas de trucs formidables pas encore sortis et produits par mes potes.
Les filles sont toujours une minorité dans le hip hop. La plupart tombent dans les catégories toutes définies de la byatch ou du garçon manqué. Toi tu évites ces deux écueils. Pas trop dur ?
Si, clairement, ça pose souvent problème. D’abord, quelle que soit la qualité de mon rap et de mon écriture, je dirai toujours certains trucs que la majorité des fans de hip hop, des mecs, ne comprendront jamais. Jamais je ne pourrai leur parler de déceptions amoureuses, je ne leur dirai jamais que je rÍve de m’enfermer dans un planetarium pour m’y masturber (à moins de vouloir me faire appeler Lil Pen). Les mots n’ont pas le mÍme impact selon qu’ils viennent d’une femme ou d’un homme. Si je leur parle de mon ex copain, je deviens l’une de ces chialeuses fleur bleue qui écrivent des poésies sur les oiseaux et sur l’amour. La majorité des auditeurs le comprendront comme ça. Ensuite, le première réaction d’un mec qui entend parler de moi pour la première fois, c’est « est-ce qu’elle est bonne ? ». Personne ne se pose la question pour un mec. Je serai toujours ramenée à ça, je serai toujours une fille qui rappe. OK, je suis une fille, c’est super, mais quelqu’un aurait-il l’idée de dire que Vastaire est son rappeur masculin préféré ? En bref, c’est tragique, mais dès qu’il est question de hip hop, les mecs n’ont pas de sexe tandis les filles sont et restent des filles.
Tu prépares un nouveau disque ?
Oui. Je vais sortir un nouvel album qui sera bourré d’idées, mais moins conceptuel, avec une production solide. Après, je sortirai une suite à mon premier album. Je prépare aussi une compilation de rappeuses, sur laquelle j’apparaîtrai. Tout cela sortira sur Beyond Space Entertainment courant 2004.
Ca te plairait de venir jouer en Europe ?
Complètement. Ce serait bien.
Une question classique : que connais-tu du hip hop français et européen ?
Je connais TTC et IAM. Je suis une grande fan de Vadim et de Stacs of Stamina.
Un message de fin ?
Gardez un oeil sur toutes les sorties à venir chez Beyond Space.