MYGÜK
Après un premier disque prometteur et la composition d’une bande son pour Nosferatu de Murnau, le quatuor palois Mygük revient avec le bouleversant "A un Fil". Finesse des mélodies, complexité des compositions, union inattendue des instruments, "A un fil" déroute et séduit à la fois. Et nous invite dans un pays imaginaire où l’émotion prend le dessus, où Dominique A croiserait Mogwai… Rencontre avec Stephane Lechit, le chanteur de Mygük.
D’où vient ce nom ?
Nous voulions un nom ouvert sans signification, une sorte de sésame pour entrer dans notre univers. Pourquoi Mygük ? C’est le mot qui nous parlait et puis graphiquement cela nous plaisait avec le tréma. En fait, c’est plutôt le nom qui est venu à nous.
Suivez-vous le même type de démarche pour trouver les titres de vos chansons ?
C’est quelque-chose que j’aimerais développer à l’avenir. Dans Nosferatu, nous avons créé un mélange de langues : de l’Espagnol, de l’Anglais, du Français, du Latin… Des consonances différentes. Cela part d’une émotion puis il y a des sonorités qui viennent se greffer dessus. Mais nous n’aimerions pas faire seulement ça… Un trip à la Sigur Rós, c’est pas notre truc mais c’est vrai que je rêverais de créer ma propre langue en faisant des mélanges.
Cette langue vous la verriez plutôt ancestrale ou plutôt moderne ?
Intemporelle. Le monde contemporain m’emmerde (là je ne parle qu’en mon nom). Si on fait cette musique là, c’est que dans ce monde nous ne nous y sentons pas très bien. Je pourrais écrire des textes sous forme de rébellion mais bon je n’ai plus 22 ans non plus, je l’ai fait avant avec d’autres groupes mais maintenant je préfère créer un univers qui agit comme un cocon et y accueillir d’autres gens. Un univers où pour une fois l’émotionnel prime sur le cérébral. L’universalité que nous recherchons, c’est celle des chants tibétains. Ça touchait les gens il y a 3000 ans et ça le fait encore aujourd’hui.
C’est une sacrée ambition !
Non ce n’est pas de l’ambition, le but n’est pas de trouver le truc suprême. Mais de faire sortir ce qu’il y a en nous d’indéfinissable, ce qui n’a pas forcément besoin de mot pour se fixer. C’est ainsi que ça fonctionne. Même les textes en Français sont très intemporels, nous faisons beaucoup de références mythologiques, des choses qui pourraient se passer n’importe quand. Dans A un fil, nous parlons "des forges de glaces". Là, j’imagine une immense stèle en glace avec un corps couché dessus. En fait nous recherchons une intemporalité comme dans "l’évangile selon saint Matthieu" de Pasolini. Un univers entre deux mondes.
Ces images dont vous parlez, elles se sont développées grâce à l’expérience Nosferatu ?
Nosferatu a été un révélateur. Une histoire hors du temps. Je n’allais pas me mettre à chanter ce qui se passait à l’image. Je ne pouvais pas écrire des textes en Français d’autant plus que le film se suffit à lui-même. C’est la même chose à l’opéra, tu n’as pas besoin de comprendre les mots, il y a une émotion. Bon après, il faut dire que j’ai été extrêmement marqué par la musique liturgique. Des séquelles de mes années chrétiennes ! (rires)
Quelle forme prend le travail sur les textes s’ils n’ont pas besoin d’être compris ?
Pour moi, ils ont une signification. Mais, il faut que ça reste hyper simple, des fois on nous critique en disant que les textes sont naïfs mais le but c’est que chacun mette ce qu’il veut derrière. Nous ne sommes pas des donneurs de leçon. Et puis le concret, je m’en fous. Je préfère travailler sur le rythme, les sonorités sans pour autant exagérer.
Comment mettez-vous ensuite le tout en place ?
Chez nous c’est toujours la musique qui appelle les textes, même si c’est moi qui amène quelque chose. Par exemple sur A un Fil, j’avais une bribe de phrase avec un peu de musique. Je l’ai passée à Ghislain (le guitariste) et Mikaël (le violoniste) qui ont fait les parties de cordes et le sample. Ensuite, nous avons travaillé tous ensemble pour finaliser la musique. C’est seulement à ce moment là que les images me viennent et que j’écris le texte.
Avec les autres membres, la composition des morceaux s’effectue-t-elle plutôt en osmose ou dans le conflit ?
Certains sont plus ancrés dans l’univers rock. Nous sommes complémentaires mais bon on s’engueule énormément quand on compose. Le but est de faire un morceau cohérent qui parle à chacun d’entre nous. Si tu demandes aux autres ce qu’ils voient derrière les morceaux, ils vont sûrement te répondre autre chose. D’ailleurs, nous n’en parlons même pas. Nous faisons le morceau pour que chacun s’y sente bien. On arrive toujours à trouver un dénominateur commun.
Vous ne dites pas alors comme le font certains groupes, ce morceau est plutôt celui de untel ou de untel ?
Non, jamais. C’est le morceau de "nous tous". D’ailleurs, Certaines chansons, nous avons arrêté de les jouer, juste parce que l’un d’entre nous ne le sentait plus. Si l’un d’entre nous dit non, alors on le suit. Il faut qu’il y ait unanimité, même si on ne compose pas à part égale. C’est le parti pris du sensitif, il n’y a pas de raisonnement pour le choix des musiques, il faut qu’on s’y sente bien.
Pour ce nouvel album, on a pourtant l’impression que vous l’avez conceptualisé notamment du fait du retour de la chanson "Comptine".
On peut se dire que c’est une chanson ultra-niaise. En même temps, qui n’a pas serré son poing dans sa poche… Mais il y avait aussi la suite électrique qui est en #3. Tout jouer d’affilée était trop long et le morceau n’était pas mis en valeur. Nous aimions l’avoir en fil rouge en trois parties lors des concerts. Pour l’album, il nous semblait plus simple de le mettre en deux parties, en trois c’était trop. Mais on ne peut pas dire qu’il y ait un véritable concept là-dessous.
Considérez-vous "A un fil" comme un premier album ou un deuxième album ?
Dans notre évolution, on le considère comme un deuxième album. Maintenant on est conscient que tant au niveau du son que de la taille de l’opus, il s’agit de notre premier album. Certains disent même que notre premier disque était une démo mais nous, quand on est parti en studio on est parti enregistrer un album.
Va-t-il y avoir un "A un Fil Tour" ?
On sait qu’il n’y aura pas de "A un fil tour". Notre musique est difficile à programmer. Pourtant, nous avons fait les premières parties de Yann Tiersen, et nous savons que ça marche en concert. Nous nous sommes donc remis dans la composition. En plus, on a mis tellement de temps à faire ce nouvel album qu’il y a eu une période où on ne supportait plus ces morceaux. On les a trop répétés à s’en écœurer. Ce qui est important, c’est de jouer face à un public. C’est comme ça que nous nous sommes réappropriés ces morceaux. Et même si nous avons très envie de faire de la scène, nous nous sommes remis à la composition pour entrer dans une nouvelle dynamique.
Propos recueillis par Gaëlle Carboni
Contacts : Mygük – BP 557 – 64010 Pau cedex – Myguk@hotmail.com – Site Web : www.myguk.com