REGENERATED HEADPIECE
Vous ne l’avez sans doute pas. Pourtant, « Dog Fight » est l’un des meilleurs albums hip hop sortis l’an passé. Le temps de ce festival de rap et de turntablism, Regenerated Headpiece nous a réconciliés avec le hip hop new-yorkais. Il était grand temps d’en savoir plus grâce à l’un de ses membres, Shred Lexicon.
Pouvez-vous nous dire d’où vous venez et quelle a été la carrière de Regenerated Headpiece jusqu’à ce jour ?
Regenerated Headpiece est né en 1998 dans le Queens, à New York. Le groupe a évolué depuis, autant les membres que le son. Le groupe tel qu’il existe aujourd’hui, c’est trois amis qui se sont rencontrés au lycée sur Long Island : Phon-X est producteur et emcee ; Shred Lexicon est emcee ; et DJ Exfyl est notre DJ. Nous avons sorti trois albums et nous avons eu assez de chance pour ouvrir les concerts d’artistes comme Public Enemy, Prince Paul, Mixmaster Mike, Blackalicious, Phife Dawg, Dilated Peoples, Zion I et autres.
Emceeing de qualité, politique, scratches et turntablism, vrais instruments, old school et new school. Votre dernier album ressemble au mélange de tout ce qu’il est possible de faire avec le hip hop. Ai-je tort ?
Non, tu as tout bon. RHP a été formé avec l’idée de ne pas se cantonner à une niche. Nous ne voulons surtout pas être étiquetés facilement. Nous voulons aller au-delà des attentes des gens, c’est la condition pour rester intéressants. Nous voulons apposer notre propre marque au hip hop, ne surtout pas être assimilés à telle ou telle catégorie, au son de tel ou tel label.
Vous venez de New York. Mais votre façon très free de rapper et la diversité de vos beats me rappellent la scène californienne underground. Etes-vous d’accord ?
Des critiques nous ont comparés à certains groupes californiens. Ils parlaient surtout de similitudes dans le son, mais nos ressemblances avec, par exemple, Freestyle Fellowship ou Jurassic 5, n’ont rien d’intentionnel. En ce qui concerne les paroles, notre première influence ce sont les rappeurs new-yorkais de l’Âge d’Or (1987-1994). Et notre production pioche dans tout ce qui est musical, quelle que soit la forme. Notre principale ressemblance avec le hip hop californien vient sans doute des contributions d’Exfyl. Son style de scratch est fortement influencé par les Invisibl Skratch Picklz, le célèbre collectif de DJs de la Bay Area.
Vous l’avez dit, vous avez ouvert pour plusieurs groupes cultes. C’est quoi, votre statut actuel sur la scène rap new-yorkaise ?
Nous restons confidentiels. C’est presque toujours le cas quand tu n’es pas signé sur une major. Nous ne sommes pas complètement inconnus, mais nous ne sommes pas non plus le groupe le plus populaire de New York. Il y a tellement de concurrence que c’est plutôt facile de rester dans l’ombre. Mais nous commençons à percer. Notre dernier album, « Dogfight« , a eu de bonnes critiques dans la presse. Ca nous a vraiment aidé à nous donner une assise, ici, dans notre ville.
J’ai entendu dire que l’un de vos fans était ni plus ni moins que Chuck D. C’est plutôt flatteur. Comment s’est passé le contact avec lui ?
Il y a quelques années, Phon-X a remixé « By The Time I Get to Arizona » de Public Enemy pour un concours sponsorisé par le groupe. Il n’a pas gagné, mais son style de production a attiré l’attention de Chuck D. Chuck l’a contacté et ils ont monté un side project purement instrumental, Lincoln’s Second Assassin. Grâce à cela, Chuck D. nous a connus et il est devenu un fervent supporter. Il a distribué six de nos morceaux via Slamjamz, son label de MP3. Il nous a aussi fait l’honneur d’ouvrir un show de Public Enemy à Times Square le 24 septembre 2002.
J’ai le sentiment que le rap new-yorkais traverse une mauvaise passe depuis quelques années. Est-ce parce que je ne connais pas les bons noms et les bons groupes ?
D’un point de vue commercial, tu as plutôt raison. Il n’y a plus beaucoup de groupes qui font des choses intéressantes à ce niveau. Mais quand tu te plonges dans l’underground, tu découvres un New York plus excitant que jamais. Nous découvrons constamment des groupes qui emmènent le hip hop vers de nouveaux horizons, sur des voies excitantes. C’est juste qu’ils n’apparaissent ni sur MTV ni dans les pages de The Source.
Votre musique est très tournée vers le turntablism. Exfyl participe souvent aux compétitions de DJs ?
Il le faisait régulièrement autrefois, mais il a participé à peu de battles ces derniers temps. En ce moment, il préfère déployer son talent sur nos disques et en concert.
Au fait, comment vous êtes-vous retrouvés sur une compilation de Bomb Hip Hop records ?
Il y a quelques années, Dave Paul, le patron du label, a sorti une compilation intitulée The Real Deal. Le but du jeu était de montrer le niveau de corruption de l’industrie de la musique. Nous avons envoyé à M. Paul notre premier album, Rat Race Vacation (2001) et il a trouvé « War Cry », le premier titre, idéal pour la compilation. Il l’a choisi et nous avons eu la chance d’apparaître aux côtés de groupes respectés dans l’underground comme les Swollen Members, Foreign Legion, J-Zone et Abstract Rude.
« Dogfight » est sorti en 2003. Un album est-il planifié cette année ? Quels sont vos prochains projets ?
On bosse dur sur notre troisième album, dont le titre de travail est New Strange. Nous envisageons de le sortir vers Noël.
Une question classique : qu’écoutez-vous ces temps-ci, en hip hop ou pas ?
En ce moment même, j’écoute le nouveau De La Soul et le Prince Poetry. J’ai aussi une playlist permanente de classiques hip hop et de vieux disques de be bop sur mon iPod. Sans oublier de grands auteurs comme Bob Dylan et Tom Waits. Exfyl est sur le nouvel album de Mixmaster Mike, Bangzilla, et Phon-X n’arrête pas de se passer une compilation en trois CD de Duke Ellington, Golden Greats.
Une concert est prévu tôt ou tard en Europe ?
On aimerait vraiment avoir l’occasion de voyager et de donner des concerts en Europe. Si tu connais des tourneurs intéressés par des groupes Américains, fais-le nous savoir ! En attendant, essaie de nous croiser en Antarctique ou dans le Triangle des Bermudes.