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Arcade Fire – Interview

THE ARCADE FIRE

THE ARCADE FIREBrève rencontre avec les charmants Régine Chassagne et Win Butler, le couple d’Arcade Fire, lors d’une journée promo marathon à Paris. Le groupe canadien dont tout le monde parle depuis la sortie de son album, "Funeral" (distribué par PIAS en France après avoir été disponible en import) sera de retour chez nous en mai.

Comme vous l’avez vous-mêmes affirmé, c’est le bouche-à-oreille qui vous a fait connaître…
Win Butler : C’est vrai. On a eu beaucoup de presse ces derniers temps, mais au départ il y a juste eu quelques chroniques du disque, ceux qui l’ont aimé en ont parlé autour d’eux, sont venus aux concerts… Ca s’est passé comme ça. Après, je n’ai rien contre la promotion. Est-ce qu’il y en a trop autour de Bruce Springsteen ? Sans doute. Est-ce que c’est un artiste exceptionnel ? Assurément. Mais le plus souvent, ça sert à vendre de la daube, et les gens sont de plus en plus méfiants quand tout le monde s’excite autour d’un artiste. Enfin, en général, ils ont moyen d’écouter les disques avant de les acheter. Je préfère donc qu’ils écoutent notre disque avant, histoire de ne pas être déçus une fois rentrés chez eux. Et je pense que dans notre cas, beaucoup l’ont fait écouter à leurs amis.

Qu’est-ce que ça fait de voir une création aussi personnelle atteindre autant de gens ?
En fait, "Funeral" est beaucoup moins autobiographique que certains le croient. On ne raconte pas notre vie dans les chansons et on ne l’a pas fait que pour nous ! C’est un disque pop, mélodique, on veut que le plus de gens possible l’écoutent. Si on en vend des centaines de milliers, tant mieux, on ne considèrera pas ça comme une trahison de nos idéaux.

Il y a quelque chose dans vos chansons d’à la fois sombre et merveilleux qui rappelle les contes de fées…
Pourquoi pas, j’aime bien les frères Grimm ! En fait, nous essayons d’exprimer toute la complexité des émotions humaines, en allant à l’encontre d’une conception hollywoodienne où tout est simple, tout se finit bien et tout le monde est content à la fin. Je préfère un film comme "Brazil" de Terry Gilliam, une comédie sombre, étrange, avec des images à la fois choquantes et très belles. C’est un peu comme rire dans un hôpital…

Régine, sur deux chansons de l’album, "Une année sans lumière" et "Haïti", tu mélanges le français et l’anglais, parfois dans la même phrase. C’était un choix conscient ou c’est venu comme ça ?
Régine : Quand on travaille sur les paroles, les mots me viennent parfois en français, et quand je trouve que ça sonne mieux que l’anglais, je garde la phrase comme ça. Et puis c’est vrai qu’à Montréal, on parle les deux langues. Concernant la chanson "Haïti", elle parle de mes parents qui sont originaires de là-bas et du pays en général, mais à un niveau personnel et d’une façon imagée. Ce n’est pas un constat sur la situation de l’île, pas une chanson politique, c’est une chansons sur des gens.

On sent un souffle épique dans certains de vos morceaux.
Win : C’est vraiment déterminé par le contenu, le sujet et les émotions que véhicule la chanson. Ce n’est pas quelque chose qu’on décide dès le départ, comme pour certains groupes où c’est juste une enveloppe. "Neighbourhood #1", par exemple, a un côté dramatique, cinématographique. On voulait donc qu’il y ait beaucoup d’instruments, de crescendos… J’avais enregistré une démo de cette chanson il y a quatre ans, avec juste une guitare et un synthé, mais il y avait déjà cette idée-là, que le groupe m’a permis de concrétiser. Chaque instrument doit apporter une texture, quelque chose de spécifique, ce n’est pas seulement pour enjoliver la chanson.
Régine : On a des chansons construites sur quatre accords, mais c’est dur d’en faire une bonne comme ça. J’aime chercher, essayer des choses un peu inattendues. C’est ça qu’est le fun pour nous.

De Godspeed à Broken Social Scene, beaucoup de groupes canadiens sont plus proches d’un collectif à large effectif. Pensez-vous vous inscrire dans cette lignée ?
Win : Ma grand-mère jouait dans un big band de 35 musiciens, nous on en est loin ! Si tu as une approche plutôt orchestrale, que tu ne cherches pas vraiment à écrire des chansons, ça peut être bien d’avoir beaucoup de musiciens pour ajouter des couches, des harmonies. Nous, le cœur du groupe c’est seulement cinq personnes, et on ne fait pas de longues jams ensemble. Une fois que nous avons écrit les chansons, nous demandons à de nombreux amis musiciens de venir jouer certaines parties. Le problème d’avoir un large effectif se pose surtout au niveau financier. Des membres de Godspeed You! Black Emperor nous disaient qu’ils avaient joué devant le même nombre de personnes que Cat Power, qui était toute seule tandis qu’eux devaient diviser leur cachet par dix ! Ca fait réfléchir. Quand tu dois louer un gros bus de tournée alors que tu vas jouer dans de petites salles, tu as intérêt à avoir un label pour te soutenir derrière.

Le fait d’être un couple au sein d’un groupe est-il un avantage ou plutôt un inconvénient ?
Régine : Ca n’a jamais posé problème. On écrit de la musique depuis qu’on est ensemble, tout le temps. Il y a de gros avantages dans la mesure où on ne tourne pas autour du pot en demandant leur avis aux uns et aux autres, même s’ils apportent aussi leur contribution. Là, on a beaucoup de nouvelles chansons, mais on n’est pas du genre à mettre sur un disque la moindre chansonnette enregistrée en un après-midi (rires). Et puis en ce moment, on fait beaucoup de concerts et de promo et comme on s’occupe de tout nous-mêmes, on a l’esprit davantage occupé par des questions de logistique. Heureusement, on va bientôt faire un break.

Propos recueillis par Vincent

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