GREAT LAKE SWIMMERS
En deux albums impeccables, Tony Dekker, alias Great Lake Swimmers, semble en excellente posture pour s’imposer comme l’un des songwriters folks les plus marquants de la décennie. Rencontre avec un artiste à l’humilité généreuse et aux pieds bien sur terre malgré des compositions qui côtoient les cieux.
Je vous ai vu jouer, il y a quelques jours à la Cigale. Vous ne sembliez pas impressionné par le public, pourtant abondant…
Je ne pouvais pas voir le public, à cause de la lumière. Donc j’ai juste… joué. Mais c’était une bonne soirée.
Vous avez tourné avec Andrew Bird, Jesse Sykes… est-ce que ce sont des artistes desquels vous vous sentez proches ?
J’ai de la chance d’avoir fait un peu de chemin avec ces gens. Je respecte beaucoup leur musique. Je pense qu’elle est assez différente de ce que je fais, dans la forme, ce n’est sans doute pas la même chose. Mais sur le fond, il y a des similitudes. C’est la même âme. Elle vient du même endroit. Que ce soit pour Jesse Sykes, pour Andrew Bird, ou pour moi, l’esprit de notre musique est issu de la même source, et ça a rendu les choses très agréables lors de nos tournées communes.
Vous avez enregistré le premier album de longues années après avoir écrit les chansons. Vous pensiez qu’elles n’étaient pas bonnes ?
Je ne pensais pas que c’était quelque chose que je pourrais faire… En fait, quand j’ai enregistré le premier album, je ne savais pas si c’était le genre de choses qui intéresseraient les gens. J’avais des amis et des gens dans mon entourage qui me disaient : « Cette chanson sonne super bien. Tu devrais enregistrer. Tu devrais faire un disque. » Il n’y avait pas d’autre raison que celle-ci. Je faisais des chansons, l’étape suivante était d’enregistrer. Mais j’allais à l’école à la même époque où j’écrivais les premières chansons, et ça me prenait pas mal de temps. Après, j’avais toutes ces chansons et le moment était venu de faire un album. Je ne me suis pas trop demandé pourquoi, finalement. J’avais tout ce matériel, le moment était venu d’en faire quelque chose. C’est tout. Le pourquoi et le quand étaient secondaires.
Votre dernier disque est légèrement plus pop par rapport au premier, qui était résolument folk, sans concession. Vous êtes d’accord ?
Pour vous, ça a de l’importance. Pour moi, c’est simplement la façon dont les choses sont arrivées. C’était une progression naturelle de ce que je faisais. Il y a un peu plus d’instrumentation, un peu plus d’arrangements peut-être… Mais pour moi c’est le même esprit. Une chose est sûre c’est que ce n’est pas quelque chose à quoi j’ai pensé vraiment. C’était l’étape suivante la plus logique.
Vous ne parlez pas beaucoup de vous-mêmes dans vos chansons, ce qui vous différencie des autres songwriters…
J’aime à penser que les chansons sont un peu plus abstraites. Je pense qu’il s’agit plus de capturer une atmosphère, une émotion liée à une situation. J’essaie de capturer l’essence d’une chose donnée, d’un sentiment, plutôt que de construire quelque chose de purement narratif.
Vous aimez parler en revanche d’éléments naturels, les animaux, la mer, etc. Est-ce que vous diriez qu’il y a une partie de votre pays dans vos disques ? Ou est-ce que vous pensez que vous auriez pu l’enregistrer ailleurs, en Europe par exemple ?
Je ne pense pas que ce soit si important l’endroit où on est. J’imagine que j’aurais pu faire ce genre de musique n’importe où. Le lieu compte bien sûr mais je pense que la musique elle-même va au delà de ça. En même temps, j’aime à penser que le fait d’être Canadien n’est pas complètement étranger à tout ça. Quand on livre un document, ou un disque, relatif à un mode d’émotion, lié à un certain moment, on capture aussi l’essence de l’espace dans lequel on se trouve à ce moment précis.