Il y a deux ans, on trouvait un groupe cherchant ses marques, essayant de s’affranchir du sceau DFA. Aujourd’hui, les New-Yorkais de Radio 4 ont atteint la maturité et nous livrent ce qui restera probablement comme l’un des meilleurs albums de 2006, « Enemies Like This ». Entre le son joliment brouillon de « Gotham! » et la sophistication parfois pesante de « Stealing of a Nation », Radio 4 a définitivement tranché pour une musique limpide et sereine, toujours influencée punk, louchant d’un poil vers la pop, sans bien sûr laisser de côté les synthés. Sur scène, l’alchimie prend parfaitement et le public se tâte entre pogoter avec douceur et danser avec rage ; et, au moment où les dernières notes de « Dance to the Underground » retentissent dans l’obscurité enfumée du Nouveau Casino, on se dit qu’on a bien de la chance de rencontrer Radio 4 le lendemain et plus précisément Anthony Roman (chant, basse), Greg Collins (Batterie) et le nouveau guitariste du groupe, Dave Milone.
D’où vient le titre de l’album, « Enemies Like This » ?
Anthony : c’est une expression américaine, « with friends like this who needs enemies ? », je ne pense pas qu’il y ait d’équivalent en français. C’est simplement un jeu de mots là-dessus. Ça désigne tout et rien à la fois, c’est l’ennemi qu’on trouve n’importe où, il pourrait très bien être ici, ça peut être ses amis, sa famille, le gouvernement… tout ce qui t’empêche de faire ce que tu veux.
« Stealing of a Nation » était un album très orienté politique. Est-ce que vous qualifieriez « Enemies Like This » de la même façon ?
Anthony : oui, d’une certaine manière. Il y a quelques chansons à caractère politique sur cet album.
De plus en plus d’artistes écrivent des chansons contre Bush (dont Neil Young récemment), pensez-vous que cela puisse changer quelque chose ?
Anthony : je pense que oui, en particulier auprès des jeunes. Des personnalités comme Bruce Springsteen ou Georges Clooney ont une influence énorme. Quand vous arrivez à ce niveau de célébrité je pense que vous pouvez vraiment changer les choses. D’ailleurs je suis certain qu’ils ont réussi à changer l’opinion des gens sur Bush. Kanye West, Green Day… il y en a beaucoup qui ont protesté contre Bush. Les gens écoutent les stars. Pour le meilleur et pour le pire d’ailleurs… Ouais, bon, peut-être que certaines personnes ne sont pas réceptives… les pèquenauds du mid-ouest peut-être… (rires)
C’est donc important d’être engagé pour vous ?
Anthony : c’est une responsabilité en tant qu’être humain d’avoir les yeux ouverts sur ce qui se passe dans son pays. Ça t’affecte directement. Les gens pensent que la politique n’a pas d’effet sur eux mais c’est faux. Je suis sûr qu’il y a plein de personnes dans le monde du genre « je m’en fous de la politique », mais un jour ou l’autre ils changeront d’avis. Ouah je ne sais pas d’où c’est sorti… (rires). Mais je pense que c’est vrai, je pense que la politique affecte directement tout le monde même si beaucoup essaient de s’en tenir à l’écart… Je veux dire, ça ne sert à rien d’être complètement obsédé par ça mais la politique nous touche d’une manière ou d’une autre.
Depuis « Stealing of a Nation » votre son a un peu changé, pouvez-vous nous expliquer si cela vient de la production, notamment du fait de ne plus travailler avec DFA ?
Anthony : hmmm, un nouveau son ? Et bien, on a de nouvelles chansons, on a changé de guitariste, on a de nouveaux producteurs donc oui ça doit sonner un peu différemment. Je pense quand même que le son du nouvel album est très similaire à celui avec lequel on s’est fait connaître. Mais c’est vrai que les gens me disent qu’il est différent. Je ne sais pas, c’est dur à dire. On n’a pas consciemment essayé d’avoir un nouveau son, on a plutôt consciemment essayé de retrouver l’ancien. (rires)
Greg : peut-être au niveau de l’écriture des chansons…
Anthony : oui, c’est possible, mais finalement on a utilisé les mêmes ingrédients. Bien sûr cet album est différent du précédent car il est plus organique, il y a plus d’instruments, il est moins electro.
Quand j’écoute vos albums je pense beaucoup à New Order. Le premier album était plutôt électrique et ça s’est transformé au fur et à mesure…
Anthony : j’aime beaucoup New Order, mais alors vraiment beaucoup ! Ils sont vraiment supers. Quand on pense à eux, on a souvent en tête leurs chansons dance mais elles peuvent très bien se jouer sur guitare acoustique. Ce sont de vraies chansons avec des mélodies géniales. Certaines sont peut-être devenues des emblèmes dance-floor mais quand tu les déshabilles ce sont de très jolies chansons. Je les ai toujours considérés comme une de nos influences principales car ils savent combiner ce côté dansant à des chansons magnifiques. Très bon groupe ! Je pense d’ailleurs qu’il est intéressant de prendre la carrière de Joy Division et de suivre l’évolution avec New Order comme s’il s’agissait du même groupe.
Greg : je ne suis pas sûr que le résultat aurait été le même sans la mort de Ian Curtis.
Anthony : ouais, mais ça reste le même groupe, les personnes qui faisaient la musique de Joy Division sont les mêmes que celles de New Order.
Greg : je ne sais pas, pour moi la mort de Ian Curtis a vraiment marqué une rupture.
Anthony : désolé, on fait notre petit débat (rires)…
Pour revenir un peu à DFA, pourquoi n’avez-vous pas continué à travailler avec eux ?
Greg : hmmm, nous n’avons fait qu’un album avec eux…
Anthony : ils n’ont jamais travaillé deux fois avec le même groupe. Ils donnent avant tout la priorité aux artistes de leur label comme le LCD Soundsystem. En dehors de ça ils ne produisent pas tant de groupes.
Greg : oui, on n’a jamais été sur leur label et on a fait qu’un album ensemble. Je ne vois aucun problème à ce qu’on nous associe à DFA mais la relation qu’on a avec eux n’est pas aussi forte que les gens le croient.
Anthony : je crois qu’ils vont remixer certaines chansons de l’album donc il y a toujours une connexion. (rires)
Greg (ironique) : ouais, bon en fait si, la connexion est là !
Anthony : ils nous ont même mis sur leur playlist des albums qu’ils écoutent en ce moment.
Greg : ouais, c’est vrai, écris qu’on a des liens très forts avec eux !
Anthony : d’ailleurs je les ai eus au téléphone juste avant ! (rires)