Les boots claquent sur le Boulevard Saint Germain. Bientôt trois heures, j’accélère le mouvement. Pierre Mikailoff nous a donné rendez-vous dans ce coin de Paris pour l’interview, à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, « Dictionnaire Raisonné du Punk », paru chez Scali. Arrivé à vélo, Pierre se livrera avec enthousiasme et bonne humeur à la séance photo mise en place par Julien, avant que nous nous retrouvions tous les trois autour d’un verre pour deviser sur ses souvenirs et ses projets, entre musique et littérature. Action…
Comment l’idée d’un dictionnaire sur le punk est-elle venue ?
L’idée est venue directement de Patrick Eudeline, qui m’a contacté en me disant que c’était le moment de le faire, pas parce que c’étaient les trente ans du punk, mais tout simplement parce qu’il n’y avait pas de dictionnaire en langue française sur la question, qui parle des groupes, bien sûr, mais pas seulement, qui parle aussi des personnalités, qui ne faisaient rien de particulier, mais qui étaient là, simplement, et puis il souhaitait aussi que j’aborde tout ce qui était objets, fringues, drogues… à partir de ces indications, j’ai essayé de brosser le portrait le plus complet possible de l’année 77, en remontant un peu avant et en allant un peu après, et en me focalisant principalement sur trois villes qui sont, à mon avis, les trois endroits où ça se passait, à savoir : Londres, New York et Paris.
L’idée était donc de dresser des portraits d’artistes ou personnages « existant » véritablement en 1977. Je m’étonnais en effet qu’un groupe comme Taxi Girl ne figure pas dans le dictionnaire…
En fait, Taxi Girl fait partie d’une autre vague, je crois qu’on commence à parler d’eux à partir de 1979 et leur premier disque doit aussi dater de 79 ou 80, ce serait en effet l’objet d’un autre livre même si Daniel Darc, dans l’esprit, est un punk, il a fait de la musique parce qu’il y a eu le punk, c’est évident, mais il est un tout petit peu plus jeune, il vient un peu plus tard, c’est déjà un autre courant, c’est la new wave…
Le danger d’élaborer un dictionnaire sur la question ne revient-il pas à classifier le punk comme une histoire terminée, qui ne peut avoir de résurgences actuelles ?
Ah non, je suis certain qu’il ne peut y avoir de résurgence actuelle du punk, c’est un mouvement qui s’est arrêté à la séparation des Sex Pistols, en janvier 1978. Maintenant, à trente ans d’écart, on a un peu de recul pour réévaluer certains groupes, certains disques, certains films…
Mais malgré tout, est ce qu’au-delà de ça, ce n’est pas un état d’esprit qui continue à perdurer ?
En fait, oui, les gens issus du punk sont toujours là, mais ils font autre chose. A travers les activités qu’ils ont aujourd’hui en 2007, ils gardent cet esprit-là, cet esprit « Do It Yourself », ce côté « on n’a pas le budget pour faire ce projet mais c’est pas grave »… Pierre Benain, par exemple, qui a organisé le concert des Sex Pistols au Chalet du Lac, fait aujourd’hui totalement autre chose, mais en gardant cet état d’esprit… Et je ne parle même pas des graphistes, Bazooka, Loulou Picasso…
Pour reprendre une interrogation que tu formules dans ton ouvrage « Some Clichés », penses-tu que le rock constitue toujours pour la jeunesse un élément fédérateur et déterminant ?
Tu le sais comme moi, oui, pour une certaine jeunesse, mais aujourd’hui, en 2007, il n’y a pas une jeunesse, il y a dix mille jeunesses, il y a des catégories, certains écoutent de l’émo, du rap, de la techno, du slam, du rock, du punk, du métal, du gothique…mais oui, le rock peut continuer à incarner quelque chose pour une catégorie de personnes, un élément perturbateur, même s’il n’ y a plus, comme c’était le cas dans les seventies, un groupe qui sort et touche une génération, ça n’existe plus… mais un disque va sortir, et toucher un arrondissement, une ville, un pays. Mais pour ces personnes-là, l’impact sera toujours là, bien sûr, même si c’est dans un club, devant 50 personnes, ou que c’est le groupe de ton lycée qui joue.