ODRAN TRÜMMEL
Rencontre avec un Odran Trümmel remonté comme jamais pour montrer au monde entier que dans le monde du folk décalé, il faudra désormais aussi compter sur lui. Après nous avoir présenté, il y a deux ans, le joli "Down Louishill", l’ex-Tourangeau défend ici son tout aussi attachant "Mutant & Loonies". Ne voulant pas laisser tomber son deuxième album dans les limbes musicaux, ce neo Parisien jure qu’il redoublera d’efforts de promotion.
Tout d’abord, je voudrais savoir quelles sont tes influences musicales.
Elles sont plutôt classiques pour le genre de musique que je fais. J’ai à la fois un côté très pop donc évidemment les Kinks, les Zombies… Adolescent, j’ai baigné dans la Brit Pop donc aussi Blur, Supergrass. Mais j’ai aussi beaucoup écouté Nirvana, Sonic Youth et des choses plus bruitistes qui font mal aux oreilles comme The Ex. Puis ce qui se ressent dans ce que je fais, je dirais plutôt du folk anglais genre Nick Drake, Bert Jansch et des choses plus récentes comme José Gonzalez.
Tu te reconnaîtrais dans le milieu anti-folk, le "DIY" ?
Le "DIY" oui car je n’ai pas trop le choix (rires). Il y a un côté bricolo qui ressort mais pas malgré moi car j’aime aussi bien ça. Anti-folk c’est un terme un peu particulier… Je ne suis pas New-Yorkais, je ne porte pas de badges ou des converses… Pourtant j’aimerais bien (sourire). Sur les textes, j’aime bien le recul de ce mouvement. Les textes sont décalés, influencés par la BD, les séries Z. C’est vrai que le terme anti-folk a été collé sur le premier album. Jeffrey Lewis est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, ses concerts, ce mélange folk intimiste et punk crado…
Mais tu serais intéressé par une collaboration avec un vrai producteur ?
Oui, mais je trouverais ça à la fois intéressant et super dur. J’ai toujours joué tout seul ou toujours avec les mêmes personnes. J’ai un collectif très réduit puisque euh c’est moi… Je joue tous les instruments sur l’album. Sortir de cette petite bulle là serait un peu difficile pour moi mais m’éviterait aussi de tourner en rond. Je ne suis pas un ayatollah du lo-fi, du son pourri enregistré dans un appart. J’espère que le son de mon deuxième album n’est pas trop pourri. En tout cas je ne l’ai pas fait exprès (sourire).
D’ailleurs ton deuxième album semble plus travaillé.
Je me suis beaucoup plus appliqué sur le son. Il est plus travaillé et plus live. Le premier était plutôt dans le bricolage, coupé et remonté sur ordinateur sans trop me préoccuper du résultat final. Comme j’ai tout enregistré en live, il fallait que je bosse plus le son sinon ça aurait été vraiment moins bien. Comme là, l’album est véritablement distribué, il fallait que je travaille plus pour le rendre présentable.
Tu as aussi davantage travaillé ta voix, non ?
Oui j’ai essayé de travailler ma manière de chanter. En fait, j’ai trouvé mon chant. A la base je suis batteur et j’ai découvert ma voix sur le premier album. Maintenant c’est plus abouti, j’essaie de progresser. Mais bon, j’enregistre dans l’endroit où ma mère fait la lessive, je n’ai pas de prof de chant qui me fait travailler.
Au fait pourquoi le choix de l’anglais ?
J’en suis complètement décomplexé. Puis je n’écoute pas de musique francophone. C’est plus une esthétique qui colle à ma musique. Quand je joue de la guitare, les mots me viennent en anglais. C’est aussi une langue à laquelle je suis attachée. Cela me plonge dans une démarche qui me permet de couper avec la vie extérieure. Je ne sais pas si je suis clair… ou pompeux? (rires)
Comment abordes-tu l’écriture de tes textes ? L’intérêt est-il de raconter des histoires ou de s’adapter aux mélodies ?
Cela dépend. S’il s’agit d’accompagner des mélodies, les textes sont alors plus évasifs, ils ont moins de sens. Sinon ça m’arrive souvent d’écrire des textes dans des lieux publics, dans le train sur un petit carnet. Quand la musique vient, je les retravaille pour les adapter à la rythmique. Je n’ai pas vraiment de méthode en fait.
Tes morceaux sont caractérisés par les ruptures.
Oui peut-être. C’est un truc que j’aime bien. J’aime bien surprendre un peu, je n’aime pas la musique formatée. Et puis j’ai fais pas mal de batterie, j’aime beaucoup les ruptures rythmiques. Je bosse autant de temps sur les parties de batterie que sur mon jeu de guitare. Je trouve que les rythmiques sont généralement sous exploitées.
Y a t’il des gens dont tu te sens proche ?
Je ne sais pas trop vers qui me rapprocher mais j’aime bien le côté farfelu de Danielson, Animal Collective aussi même s’ils sont un peu extrémistes. J’aime bien aussi les mélodies d’Herman Düne. Centenaire a aussi une démarche originale, ils composent en improvisant. Ce qui me gonfle c’est la tournure que prennent les groupes "Rock/Rock", ils tournent vraiment en rond.
Tu appartiens à une communauté ?
Je ne connais pas encore grand monde. Je viens de débarquer à Paris. Je connais les gars de Centenaire avec qui on va passer à la Maroquinerie. J’aimerais bien avoir plus de copains, J’aimerais partager plus ma musique. Je suis un peu frustré par rapport à ça, mais c’est ma faute, je suis trop timide.
C’est important pour toi de tout faire ?
Quand on commence à faire tout tout seul, on a dû mal après à déléguer. J’ai pourtant essayé. On devient un peu obsédé. Et puis, en même temps, j’enregistre quand je peux donc ça a un côté pratique. Puis si l’album est mauvais je ne pourrais m’en vouloir qu’à moi-même. Par contre le côté groupe me manque un peu. Si on arrive à bien tourner, ce sera le dernier disque que je ferais tout seul. Cela m’évitera aussi de me répéter. On a besoin des idées des autres. Ce serait aussi plus jouissif sur scène. J’arrive au point limite de "solitude".
Qui a fait la pochette ?
Hé bien c’est encore moi! Je me suis amusé à faire le collage. Je voulais trancher avec l’austérité du premier album. Je voulais un truc plus racoleur, montrer le côté plein de petites histoires pour coller avec le titre de l’album. Cette farandole de monstres marque bien le style bd, pop.
La scène, c’est un grand moment pour toi ?
Il y a une différence entre ce que je fais en concert et ce que je fais sur album. J’adore transposer mes morceaux sur scène. Avec ce foisonnement de groupes, MySpace… Le concert est un bon moyen de faire passer son identité, d’être reconnu, d’avoir une vraie légitimité.
Propos recueillis par Vincent Le Doeuff
Photo aimablement fournie par Odran.
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