BARBARA CARLOTTI
C’est toujours un plaisir que de rencontrer un(e) artiste dont on apprécie sans réserve la musique. En l’occurrence, Barbara Carlotti, que nous avions déjà interviewée fin 2006 à Paris, quelques mois après la sortie de son premier album, « Les Lys brisés ». Cette fois-ci, nous avons été parfaitement synchrones puisque ce nouvel entretien a eu lieu dans les locaux de son label Beggars le jour même de la sortie de « L’Idéal ». Un deuxième opus magnifiquement écrit, interprété et produit, qui place Barbara dans le peloton de tête des chanteuses d’ici. Un disque qui lui ressemble : subtil et élégant, mais aussi lumineux, vif et même enjoué.
Selon toi, quelles sont les principales différences entre « Les Lys brisés » et « L’Idéal » ?
« Les Lys » était un disque de groupe, issu de la scène, ce qui n’est pas du tout le cas du nouveau. Cette fois, je voulais faire quelque chose de beaucoup plus produit, en demandant à des gens de faire des arrangements, et avec un réalisateur, Jean-Philippe Verdin (alias Readymade, ndlr) qui est aussi arrangeur. On a tout maquetté avec mes musiciens habituels, comme pour le premier album, mais après on est passés à l’étape supérieure : j’ai donné tout ça à Jean-Philippe et on a eu beaucoup de discussions autour de chaque chanson, comment, pourquoi, quelles références on invoquait… Qu’est-ce que lui aimait dans les chansons et voulait mettre en avant… On a pas mal débroussaillé, il y a beaucoup de morceaux qu’on n’a pas gardés.
Ca a donc vraiment été un travail d’équipe, d’abord avec mes musiciens puis avec Jean-Philippe et Mehdi (Zannad, alias Fugu, qui signe les arrangements de cordes, ndlr). J’ai délégué tout ce que je ne savais pas faire, notamment l’écriture des cuivres et des cordes, mais on a conservé l’essentiel des compositions de départ. Au final, ce qui est génial, c’est que c’est vraiment un album qui me ressemble, mais qui en même temps va plus loin que ce que j’aurais pu imaginer. Chaque chansons se distingue des autres, a une véritable identité.
C’est donc une évolution logique.
Tout à fait. Sur « Les Lys », je ne souhaitais pas qu’il y ait des cordes, je voulais rester dans quelque chose de plutôt minimal. Sur « L’Idéal », au contraire, j’avais envie de m’ouvrir, je voulais que la couleur du disque soit très fleurie, très printanière.
Quand est sorti le premier album, il y a deux ans, tu savais déjà où tu voulais aller avec le suivant ?
Quand j’ai fini le disque, j’avais appris tellement de choses en studio que j’avais plein de nouvelles idées, mais je n’avais pas encore la coloration de l’album. C’est surtout après le concert à la Cigale, il y a environ un an, que c’est venu. On a maquetté de nouveaux morceaux, et une direction s’est dégagée, quelque chose de très solaire avec le morceau sur la Corse, « Ici », des chansons de plage comme « Le Chant des sirènes »… Et puis j’ai écrit le titre « L’Idéal » spécialement pour cet album, pour moi ce devait être un peu le manifeste du disque. Tout était contenu dans cette chanson. Après sont venus des titres d’une inspiration proche, comme « Changement de saison ». « La Lettre » est un morceau plus ancien et dépouillé, qu’on avait d’ailleurs joué à la Cigale, et qui rappelle davantage le premier album. Mais je tenais à la mettre pour avoir un contrepoint, pour ne pas lâcher complètement ce qu’on avait fait sur « Les Lys brisés ».
Penses-tu que « Les Lys brisés » donnait une image assez juste de ta personnalité ?
Il ne donnait qu’une moitié d’image, en fait. Le nouveau dévoile une autre face, c’est un peu la suite. Je pense que j’étais assez timide à l’époque du premier album, et qu’il reflète un peu cette retenue. Sur « L’Idéal », j’avais davantage d’expérience, et des envies d’expression plus franche, plus directe. L’exubérance des arrangements correspond vraiment à ce que je suis.
Et puis il y avait un décalage entre le disque et la scène, où l’on faisait des choses très gaies. Je m’en suis particulièrement aperçue après un concert à Poitiers devant une salle pleine, qui s’était très bien passé. Le lendemain, un spectateur qui devait avoir une vingtaine d’années a laissé un message sur mon MySpace. Il pensait que j’étais une sorte de dépressive et il avait découvert que ce n’était pas du tout ça ! C’est vrai que les articles de presse à l’époque du premier album insistaient sur ce côté mélancolique. Mais l’introversion, le minimalisme, ça n’a pas forcément de rapport avec la dépression. Et puis il y a des gens dépressifs qui sont très drôles ! Ce n’est pas mon cas, je ne suis même pas dépressive. J’aimerais bien, mais bon… (rires)
Et le côté sixties ?
Là aussi, avec le nouvel album je voulais qu’on sorte un peu de ça. Je n’écoute pas que de la musique de cette époque, je ne suis pas du tout nostalgique. Suffit que tu poses sur une pochette avec des gens habillés mod pour qu’on fasse ce genre de raccourci, c’est un peu débile. Faire ce disque m’a en tout cas permis de m’affranchir de ces étiquettes qu’on me collait sur le dos. Quand j’écris des chansons, c’est très spontané, je ne me pose pas ce type de questions.
Qu’est-ce que Jean-Philippe Verdin/Readymade t’a apporté ?
Le fait de travailler avec quelqu’un qui a une telle culture musicale et une telle connaissance des arrangements permet d’être très précis dans ce qu’on veut obtenir. Comme j’avais envie que ça me ressemble et que je ne voulais pas non plus lui laisser une totale liberté, je lui disais exactement où je voulais aller.
Quand il sortait une référence, du genre Donovan, je lui disais d’accord, mais je lui parlais aussi d’Os Mutantes ou de Feist, un mélange de choses anciennes et plus récentes. Il avait des directions bien établies qu’on avait fixées ensemble, dans le but de faire exister chaque chanson dans ce qu’elle a de particulier. Par exemple, le charleston sur « Kisses », c’était déjà sous-entendu dans la chanson et lui y est allé à fond.
Readymade, c’est un producteur issu de la scène électro…
Oui, mais son dernier album était plutôt pop-folk et je ne connaissais pas ce qu’il avait fait avant. Je pense qu’il avait envie de poursuivre dans cette voie. Après, sa culture électro transparaît dans un morceau comme « L’Idéal », avec le petit gimmick de programmations à la Gorillaz. Comme il connaît aussi bien le jazz, l’électro, la pop et le folk des années 60, 70 et 80, il peut amener plein de choses différentes. Par exemple, ce côté très rythmique et presque psyché, avec beaucoup de percussions et de boîte à rythmes, c’est quelque chose qui m’attirait bien que je sois très novice en la matière. Je le lui ai dit et il m’a permis d’aller dans cette direction.