La charmante Shara Worden vient d’achever une tournée française durant laquelle elle a pu enchanter le public de sa superbe voix. Nous l’avions interviewée quelques semaines avant la sortie de son deuxième album, « A Thousand Shark’s Teeth ». Retour tardif sur cette entrevue.
La dernière fois qu’on s’est vus, pour la promo de ton premier album, tu avais déjà commencé à travailler sur ton nouvel album. J’ai lu qu’à un moment, tu n’étais pas très contente du résultat. Que s’est-il passé ?
Juste avant d’enregistrer « Bring me The Workhorse », j’avais fait une session d’enregistrement avec un quatuor à cordes, nous avions enregistré huit chansons du nouvel album. Je me suis dit que je ferai un album avec seulement des cordes. Mais je savais que j’aurais tendance à vouloir mettre trop d’idées différentes dans un seul disque, cette session était une façon de mettre de côté les cordes pour être sûre que « Bring Me The Workhorse » serait un album « rock ». Je tenais beaucoup à ces sessions avec des cordes. Avec le temps, j’ai toutefois ajouté pas mal d’instruments à ces enregistrements, pour essayer d’obtenir des couleurs musicales ou des sonorités plus variées, pour essayer d’exprimer les sentiment que je voulais. Je travaillais avec une boîte à rythmes pour essayer d’envisager les rythmiques d’une autre manière. Et puis finalement, j’ai tout jeté à l’automne. Ça m’a permis de découvrir que parfois, ce que j’avais en tête ne correspondait pas à ce que je pensais que j’avais en tête… Mes intentions n’étaient pas exactement celles que je croyais qu’elles étaient. Je voulais comprendre quels arrangements serviraient au mieux les chansons. Même maintenant, je ne suis pas sûre que le résultat obtenu soit le meilleur qu’il ait été possible d’obtenir. C’est juste celui qui a été obtenu avec les personnes avec lesquelles je l’ai fait, à un moment précis. Ça aurait pu être fait d’un million de façons différentes, avec le même résultat, émotionnellement parlant.
Au final, est-ce qu’il y a des chansons qui ont fini par ressembler à ce qu’elles étaient au début ?
« Goodbye Forever » est dans sa version originale, et date donc de quatre ans. Je n’ai pas eu envie de la refaire.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire un « album à cordes » ?
J’ai écouté « Pli selon Pli » de Pierre Boulez. J’ai aussi vu Nina Nastasia et Antony and the Johnsons, sur scène à New York avec des ensembles à cordes. Ensuite, je suis partie en tournée et j’ai écouté Boulez pendant un mois en boucle sur le siège arrière du van. Je me suis mis à travailler sur les arrangements de cordes, et surtout j’ai eu la chance de pouvoir travailler fréquemment avec un quatuor à cordes, ce qui n’est pas donné à tout le monde ! Tu écris un arrangement, les musiciens arrivent et tu entends tout de suite ce que ça donne.
Tu avais des références en matière de disques orchestraux, ou des modèles à ne pas suivre ? Certains ont une mauvaise réputation, celle d’être des disques prétentieux par exemple.
J’étais très naïve, c’est en partie pour cela que cet album a pris du temps. J’écoutais Peter Gabriel, Tom Waits, Talk Talk ou Björk et dans ma tête je pensais « quatuor à cordes », sans être consciente que ce n’étaient pas du tout des albums enregistrés avec un quatuor à cordes ! Ça paraît être quelque chose de très simple, d’évident même, mais cela ne l’était pas pour moi. Ça paraît ridicule à dire maintenant… Quand on écoute un album de Tom Waits, comme « Alice », ou « Blood Money »… Ok, il utilise des instruments classiques, mais ce n’est pas un quatuor à cordes…
Au final, ce n’est pas un album seulement avec un quatuor à cordes, il y a beaucoup d’autres instruments. En parler seulement sous cet angle est un peu réducteur, non ?
Là encore, je pense que c’est mon inexpérience qui a joué. je me disais que si j’utilisais tout un éventail de techniques liées aux arrangements de cordes, comme les pizzicati, les harmoniques, alors mon disque n’aurait pas un son uniforme. Mais au final, ça sonne quand même comme un album enregistré avec un quatuor à cordes.