MATHIEU BOOGAERTS
Une journée avec une entrevue qui se termine par un laconique "ça fait mal au cul" n’est jamais une journée totalement foutue. Surtout si l’entrevue est votre première en carrière, et qu’elle est avec l’épatant Mathieu Boogaerts, tout content de défendre son nouvel album, "I Love You" dans un joli bar du dix-neuvième arrondissement. Sixième album du Parisien un temps expatrié à Bruxelles, "I Love You" est un disque ouvert et solitaire, plein d’amour et de doutes. Et de rythmes aussi. Vive Mathieu Boogaerts.
SL : Bien remis de "Michel" ? C’était un disque assez intimiste, introspectif.
(hésitations) Alors je ne sais pas comment interpréter cette question. Tout à fait oui. Parce qu’il y a le disque et puis après il y a la tournée, alors quand je pense à "Michel", je pense au disque mais aussi à l’année qui a suivi la sortie avec 180 concerts et puis des interviews comme ça donc c’est tout un ensemble… Donc oui, bien remis. Après il y a toujours une frustration, à chaque conclusion de truc, il y a toujours un côté épanouissant d’avoir fait tout ça, mais aussi des doutes, j’aurais préféré que ça marche plus, que ça marche différemment, toujours une part de frustration, j’aurais voulu plus réussir telle chose… Donc oui, globalement bien remis mais toujours une part de ne pas avoir mené le truc au bout, de ce que j’aurais fantasmé.
SL : Dans la bio envoyée avec le disque, il est écrit que c’est ton album le moins frustrant, "Michel"…
Tout à fait. Par contre, c’est très subjectif, très personnel mais j’ai eu l’impression avec ça d’atteindre quelque chose que je n’avais jamais réussi à atteindre avant. Mais il y a des gens qui vont préférer le troisième, d’autres qui vont… enfin voilà en fait il a fallu tout ça pour assumer d’entamer un disque d’une façon totalement différente, en l’occurrence le dernier.
SL : Justement, on a l’impression que "I Love You" sonne comme le disque le plus jovial et épanoui de ta discographie.
Jovial ? Je ne sais pas si c’est jovial. En fait ce qu’il s’est passé c’est qu’avec "Michel", j’ai été vraiment loin dans l’introspection, j’avais envie que ce soit hyper personnel, que les chansons, les thèmes, les mélodies, et que pour chaque étape, donc l’écriture, l’enregistrement, le mixage, la pochette, ce qui me faisait faire un choix plutôt qu’un autre c’était vraiment de faire un truc hyper profond, hyper sérieux.
BM : Les arrangements étaient comme ça aussi…
Voilà, c’était une ligne de conduite, une démarche et après, pendant un an, j’ai rencontré un public où je chantais "aaah ce que c’est dommage". Sorti de ça, j’avais vidé tout mon sac au fond donc je ne pouvais plus faire ça. J’avais besoin d’un langage plus…
SL : Rock & roll ?
Oui c’est ça. En gros, je parle de la même chose, chaque chanson que j’ai écrite est toujours motivée par quelque chose de sérieux, je ne peux pas écrire sur le fait de me lever, d’acheter des chaussettes. Mais c’est avec un langage différent.
SL : L’album a été enregistré à Bruxelles, dans un ancien stand de tir de la police transformé en studio. Comment ça se fait qu’il y a tant de musiciens français qui vont à Bruxelles ?
Pour 2 raisons à mon avis : le prix de l’immobilier, c’est 3 à 4 fois moins cher qu’à Paris. Et le silence : Paris et banlieue, c’est douze millions d’habitants, Bruxelles et banlieue c’est un million d’habitants. C’est pas du tout le même rapport, il y a des quartiers très calmes, tu as une quiétude à Bruxelles, tu peux rester 4 jours à glander ou à réfléchir sans avoir l’impression d’être dans la ville. Je pense que c’est précieux.
BM : Et tu l’abordes comment la tournée, donc toute la phase qu’il te reste à vivre sur cet album-là par rapport au précédent du coup ? J’imagine que sur scène ça ne va pas du tout être la même chose.
En fait à chaque fois qu’il est question de faire une tournée ou un spectacle, jamais je me dis "faut que ça ressemble au disque" ou quand je fais le disque "merde mais comment je vais pouvoir faire ça", pour moi c’est 2 choses différentes. Je pense que de chaque chanson que j’ai écrite, de chaque chanson au monde, en fait il reste toujours un truc très simple. Ce qui m’intéresse c’est donc de trouver l’os de la chanson, et après de le réinterpréter dans un décor qui sera sur scène avec d’autres musiciens, d’autres tons, d’autres couleurs.
SL : Et donc ce sera comment sur scène ?
Ce que je peux dire c’est que finalement ce sera un truc qui n’est pas très loin de ça, très dynamique, psychédélique, excentrique. Un côté cru.
BM : Avec des petits cris et tout ?
Oui voilà des cris. Il y aura cette tonalité-là, ce sera guitare, basse, batterie, clavier.