Autant le dire d’entrée, POPnews suit de très près Baptiste W. Hamon. Retour sur son EP récemment sorti, sur ses divers projets et sur cette énigmatique casquette Chablis…
Ton aventure s’est accélérée en 2011. Un déclic ?
J’ai écrit mes premières chansons en français à l’été 2011, un peu comme ça, après avoir bouffé du Reggiani et du Barbara pendant des semaines. J’étais au Pérou pour un stage à ce moment là, et je devais commencer à bosser comme un puerco en septembre, dans un domaine qui n’a rien à voir avec la musique. Depuis ma piaule à Lima un jour, je reçois un mail de mes potes de Midnight Special Records, qui me demandent si Texas in Paris, mon projet de l’époque en anglais, voulait bien faire la face B de Cléa Vincent sur des enregistrements cassette qu’ils allaient faire à la rentrée. Je leur parle de mes nouvelles chansons en français, et dès la première écoute ils me disent banco. Du coup, j’ai eu la chance de pouvoir enregistrer mes premières chansons deux mois seulement après qu’elles ont été écrites, puis de faire plusieurs concerts où j’ai été approché par des gens du milieu qui m’ont encouragé à me lancer complètement dans le songwriting. Double déclic donc : mon passage en français, et la confiance immédiate des mecs de Midnight Special Records. La mécanique s’est mise en marche petit à petit.
On a l’impression en t’écoutant que tu connais bien tes classiques ? (de Cohen à Ferrat). Y a t-il eu des faits marquants dans ton parcours musical ?
Yes. Townes Van Zandt. J’ai commencé par écouter de la bonne vieille indie pop au lycée, Belle and Sebastian, Grandaddy, les Go-Betweens, tout ça, qui ont été mes premières amours musicales, et qui ont alimenté mes premières réflexions sur la musique et la puissance poétique qui pouvait se dégager d’une mélodie, d’une voix, d’arrangements. Et puis un jour je suis tombé sur Townes Van Zandt, et je me suis intéressé aux textes. J’ai compris que bordel, on pouvait vraiment raconter des choses formidables dans une chanson, pas seulement une histoire, mais transmettre des émotions poétiques, avec un vrai travail sur les mots, les sonorités et le sens. Ça me parlait viscéralement. Alors je me suis mis à écouter tous ces singer-songwriters renommés là-bas aux Amériques, Bob Dylan, Leonard Cohen, Hank Williams, Guy Clark, Butch Hancock, John Prine, Steve Earle, puis plus tard Bill Callahan, Will Oldham et tout plein d’autres, qui essayent vraiment de raconter quelque chose dans leurs chansons. Je me suis retrouvé dans leur musique et leur démarche, et j’ai su que c’était désormais là-dedans que j’avais envie de me mettre.
Il y a un aspect “patrimonial” dans ton interprétation, presque décalé. C’est quelque chose de naturel chez toi ?
J’ai travaillé mes premières chansons en écoutant du gros songwriting des années 50 à 70. Peut-être que c’est de là que je tenais mes premiers schémas d’interprétation, mais dans l’ensemble, j’ai le sentiment que je chante pas mal comme je parle. Je ne cherche en tout cas pas franchement à théoriser la technique vocale, ça doit sonner comme ça sort je pense.
L’enfance revient quasiment dans toutes tes chansons. Elle n’est pourtant pas si loin Baptiste…
Eheh saloperie. Ces six chansons interviennent à un moment où je m’interrogeais complètement sur la vie, l’avenir, les rêves qu’on a et sur lesquels on s’apprêterait à faire des croix. Quand on est gamin, on voit les choses en grand, on se dit que bordel, un jour on se construira notre Amérique à nous, ça sera génial, quand on sera grand. Et puis à un moment donné de la vie, on se met à penser que ces idées un peu grandes qu’on avait plus jeune, elles sont peut-être complètement farfelues, qu’il faut être raisonnable au fond, avoir une vie toute droite et rangée pour faire comme les autres et pas trop risquer de se planter. Alors voilà, ces chansons parlent un peu de ça, du doute et des espoirs qui se dessinent à la sortie des périodes d’insouciance.
Comment envisages-tu la scène ? Avec quelle formation ?
On a plusieurs formules sur scène, en fonction des dates. Une formule à deux, avec mon guitariste Alexandre Bourit, et une formule complète avec basse batterie en plus. J’aime les deux, ça dépend de la salle et du propos du concert en question.
Parle-moi de la réalisation de l’EP. Savais-tu exactement où aller avant d’entrée en studio ?
L’enregistrement s’est fait en deux temps. Une partie au Texas avec des copains musiciens ricains d’Austin, et une partie à Paris avec Frédéric Lo. J’avais à la fois des idées assez précises sur ce que je voulais, et en même temps l’envie de laisser la place aux intuitions du moment, à la créativité musicale des uns et des autres. Les titres enregistrés au Texas ont été enregistrés en live dans un vieux studio incroyable, les mecs venaient de la musique bluegrass, je voulais qu’ils soient le plus naturel possible dans leur accompagnement, pour marier hyper intuitivement leur sensibilité country-folk à mon univers en français. J’ai obtenu ce que je recherchais je crois, ça sent un peu la poussière et le Texas. Pour les enregistrements à Paris, j’ai eu la chance de bosser avec Frédéric Lo, dont j’avais adoré le travail avec Daniel Darc. L’idée était de trouver des sonorités modernes tout en gardant l’esprit folk que je recherchais. Ça a été une expérience incroyable, Fred est un type brillant, à l’écoute, qui se met au service de la sensibilité de l’artiste avec lequel il bosse.
Comment as-tu rencontré Frédéric Lo ?
J’ai été présenté à Frédéric Lo assez rapidement après avoir eu mes premiers contacts avec des personnes du monde de la musique. Je ne connaissais rien à ce bazar là des éditeurs, labels, managers, directeurs artistiques, réalisateurs, producteurs, producers, tourneurs, tout le tralala. Comprenais rien à qui était qui. Fred était donc un « producer », un réalisateur de disques, c’est lui qui pourrait m’aider à construire la charpente musicale de mes chansons. On a pris le temps d’essayer plein de choses sur chaque titre, son expérience et son talent m’ont appris mille trucs.
J’ai entendu une interview de toi où tu disais avoir délaissé ton projet en anglais pour te consacrer maintenant à la chanson française. On ne peut pas faire les deux d’après toi ?
Oh que si. Les gens se foutent dans des cases un jour, et puis ensuite ils trouvent ça cool de gueuler sur les mecs de la case d’à côté, par principe. S’il y a bien une règle en musique, et dans la création en général, et dans la vie en encore plus général, c’est qu’il n’y a pas de recette absolue. Tu peux être tchèque et avoir envie d’écrire en bulgare, et ça veut rien dire, et pourtant c’est beau et si t’avais chanté en tchèque la même chose ça aurait été moche. La question de la langue n’a aucun sens dans l’absolu, car il y a mille façons de transmettre des émotions en musique. En ce qui me concerne, j’essaye de concentrer l’essentiel de mon travail sur le verbe, le mot, l’histoire, sur le texte en lui-même, donc j’avais besoin d’avoir un outil le plus complet possible pour avancer. Cet outil, c’était ma langue maternelle. Mais j’écris toujours des chansons en anglais de temps à autre, je chante toujours certains de mes textes comme Second Lover’s Lament. Ce que je recherche quand j’écoute de la musique, c’est un frisson, une grâce, l’émotion qui peut me conduire jusqu’aux larmes. J’ai essayé de théoriser à quel moment ça m’arrivait, mais je n’y suis pas parvenu – il n’y a aucune règle linguistique dans la transmission d’une émotion musicale.
Tu te sens prêt aujourd’hui ? Tu avais l’air très à l’aise aux Francos.
Mon EP sort le 22 septembre, la fin de l’année va être chouette. On a par ailleurs comme partenaire de scène 3C, ce qui devrait nous permettre de pas mal tourner ces prochains mois. On apprend tous les jours dans ce joli monde de la musique, on fait des super rencontres, on affine les techniques d’écriture, on se rode à la scène. Si ça peut continuer comme ça c’est cool !
Qu’as tu particulièrement travaillé au chantier ?
Le chantier est un outil super intéressant pour nous autres qui démarrons, car on nous apprend à prendre du recul sur notre façon d’être sur scène. Comment être le plus naturel possible pour emmener les gens exactement là où tu as envie de les emmener, dans l’univers que tu as dessiné dans tes chansons. Ça permet d’avancer tranquillement entouré d’oreilles compétentes et bienveillantes.
Le choix de ta maison de disques, c’était important ?
L’EP que je sors est produit par un label qui s’appelle Manassas. Pour l’album qu’on prévoit pour 2015, on ne sait pas encore exactement comment on le sortira, mais on a une petite idée en tête, d’aller l’enregistrer quelque part dans le Mississippi, et de faire des featurings avec des songwriters locaux, we’ll see !
Parle-moi un peu de tes musiciens et tes futurs projets ? Où les as-tu connus ? De futures collaborations ?
Je joue donc ces temps-ci essentiellement avec Alexandre Bourit à la guitare. Type épatant, qui a son propre projet qui s’appelle This is Avalanche, et qui collabore souvent avec nos potos de Midnight Special Records. Je rebosse avec Midnight d’ailleurs sur un projet d’EP sur la première guerre mondiale, après être tombé sur des vieilles archives de l’arrière grand-père qui m’ont donné pas mal de matière pour des nouvelles chansons. On a également collaboré cet été avec le super groupe américano-suédois de Barbarisms, basé à Stockholm, sur un projet d’adaptation des chansons de l’autre. Nicholas Faraone, le songwriter ricain de Barbarisms, a adapté trois des chansons de mon EP en anglais, et j’ai fait de même avec trois des chansons de son tout nouvel album, que j’ai adaptées en français. Super cool, c’est en cours de mixage à Stockholm, ça devrait être prêt pour janvier. Avec l’album en préparation pour 2015, ça fait tout plein de choses excitantes pour les douze mois à venir – j’ai hâte !
Ah oui, mes camarades de POPnews me demandent où tu as eu ta casquette Chablis. On les changera pas…
Yeah ! Salut les camarades de POPnews ! Alors en fait, mes grands-parents habitent Chablis, je passe la plupart de mes vacances là-bas depuis que je suis tout petit. Mon grand-père était dans le pinard, et bossait également à l’office de tourisme, d’où il nous ramenait parfois des petits goodies de la ville, des fanions avec la tronche de Saint-Martin et des casquettes aux couleurs de la ville. C’est donc une casquette que j’ai depuis mes huit ans, et que je garde précieusement, depuis lors. Elle est cool non ?
A très vite et merci.
A très vite les gars ! Bonne journée !