Grosse année pour Baptiste W Hamon. Après le bel EP « Ballade d’Alan Seeger » sorti ce printemps, l’enregistrement de son album aux States qui sortira probablement à l’automne, on le retrouve au Chantier des Francos pour peaufiner ses concerts.
L’année a été particulièrement riche pour toi : un EP, l’enregistrement de l’album et le Chantier. Tu es un gros bosseur ?
L’année a été drôlement chouette oui ! J’ai sorti mon tout premier EP « Quitter l’enfance » en septembre, puis mon projet de chansons sur la Grande Guerre en janvier. En parallèle j’écrivais les chansons de l’album à venir, qu’on est allé enregistrer à Nashville fin mars, après un passage à Austin, Texas pour participer au festival South By Southwest. J’ai également collaboré avec mon amie Cléa Vincent (on a repris un titre de Daniel Darc sur son dernier disque), et avec Alma Forrer pour un duo qu’elle a écrit et qui figurera sur son prochain EP. Ça peut paraître chargé, mais en réalité tout se fait de façon assez naturelle – quand une idée ou une sollicitation me botte, je me lance. C’est extraordinaire de pouvoir avoir comme métier l’écriture et la chanson, j’en profite donc pour ne pas trop compter les heures !
Tu étais déjà aux Francos l’année dernière. On peut redoubler aux Chantiers des Francos ?
J’avais fait ma première session fin 2013, et étais à l’époque seul sur scène. Puis j’ai commencé à tourner et à jouer avec un puis deux musiciens, et du coup le Chantier m’a proposé de me suivre sur deux ans pour optimiser leur accompagnement. Je retourne donc une seconde fois aux Francofolies de La Rochelle cette année pour jouer avec Thomas Fersen, j’ai sacrément hâte. Et avant ça, nous jouons en première partie de Juliette Greco pour les Francofolies de Montréal.
Comment appréhendes-tu la scène aujourd’hui ?
L’enchaînement des concerts et le suivi du Chantier nous font prendre confiance et conscience de toutes nos possibilités. J’ai toujours aimé être sur scène, raconter mes petites histoires, lâcher la jugulaire et puis suer sous la chemise. On ne peut pas franchement tricher sur scène, il faut y aller à fond. Pour l’instant, on fait beaucoup de concerts de 30-40 minutes pour des tremplins ou des premières parties, ce qui est un exercice particulier, mais j’ai vraiment hâte de pouvoir me retrouver deux heures face à un public spécialement venu nous voir !
Pourquoi avoir enregistré à Austin Nashville et avec Mark Nevers ?
Mark a bossé ces quinze dernières années sur des disques qui sont entrés dans le panthéon musical américain. Vic Chesnutt (je réécoute « The Salesman and Bernadette » ces jours-ci, woaow quel bijou !), Will Oldham, David Berman des Silver Jews, Lambchop, Andrew Bird, Lou Barlow de Sebadoh et Howe Gelb sont notamment passés par son studio – et c’est tout excité que je lui ai un jour écrit un mail avec quelques démos pour lui demander d’enregistrer mon premier album. Il a écouté, et a dit oui. Ça a fait un sacré boum dans mon corps à ce moment-là. J’aime l’idée de créer des ponts entre les langues, les façons de faire, les histoires et les philosophies musicales, qui sont assez différentes d’un pays à l’autre. Mes chansons se nourrissent énormément d’un patrimoine musical et poétique bien de chez nous et propre à notre culture et notre langue, mais ayant pas mal vécu à l’étranger, je me trouve également naturellement attiré par certaines esthétiques qui proviennent d’ailleurs – d’Amérique ou de Scandinavie notamment.
Tu travailles depuis quand sur ce premier album ?
J’ai commencé à écrire les premières chansons en septembre dernier – sauf trois d’entre elles qui sont plus anciennes (on a réenregistré le duo avec Alma Forrer notamment, en y ajoutant le meilleur instrument du monde qu’est le pedal steel). On a ensuite maquetté les titres avec mon guitariste Alexandre Bourit, avant d’envoyer le tout à Mark Nevers.
Des lectures, des disques t’ont particulièrement influencé pour ton album ?
Je me suis imprégné de quelques grands « écrivains de chansons » pendant ma période d’écriture. En premier lieu Leonard Cohen, que j’ai écouté et relu mille fois. Ses chansons et son style littéraire ont toujours été une source d’inspiration énorme. C’est du « mystère » poétique des chansons de Cohen dont j’essaye de m’inspirer quand je plonge ma plume dans le bac à encre. Chacun de ses textes est un poème qui pourrait exister sans musique, et que la musique vient sublimer. J’essaye de garder ça en tête quand j’écris une chanson. J’ai aussi beaucoup écouté Townes Van Zandt, que je ne cesse de redécouvrir et qui a définitivement le pouvoir de me faire voyager plus qu’aucun autre songwriter. Je me suis également replongé dans les textes de David Berman des Silver Jews, poète immense.
Comment vis-tu cette période entre l’enregistrement de l’album et sa sortie ?
On aura fini de mixer l’album fin juin, donc on est pour l’instant encore au boulot. Ensuite on décidera d’une date de sortie, qui devrait être à l’automne. Il devrait y avoir pas mal de surprises en attendant… C’est mon premier disque, ça va pas déconner !
Comment s’est passée ta rencontre avec le Grand Will Oldham ? Il chantera sur ton disque ?
Raaaa le grand Will ! Super rencontre ! J’avais en tête et en rêve de l’inviter sur mon album pour un duo, et par l’intermédiaire de Mark tout s’est fait hyper simplement. Il a écouté, trouvé ça cool, il est venu, on a bu un smoothie au kiwi, on a chanté, papoté un peu et il nous a laissé continuer les enregistrements. Ce type-là est un des plus grands héros de l’indie folk, j’ai grandi en entendant Palace dans la chambre du frangin à côté, alors me retrouver à chanter dans la même cabine que lui sur des mots à moi… C’était vraiment quelque chose. Ce mec-là est une légende dans le monde entier, je me souviens avoir entendu des gens parler de lui avec des étoiles dans les yeux dans des bars du fin fond de la Norvège, du Pérou, de la Hongrie, du Texas. C’est donc tu t’en doutes une immense fierté que de l’entendre chanter une de mes chansons !
Tu vas nous proposer quelque chose d’assez dépouillé (façon Oldham) ou quelque chose de plus arrangé (façon Lambchop) ?
In-between. On a souhaité garder un côté très américain, propre et folk à la fois, en enregistrant live la plupart des instruments. Et j’avais aussi envie de profiter à fond des incroyables musiciens qui sont venus jouer sur l’album (William Tyler, Jared Reynolds, Brian Kotzur, Pete Finney, Kai Welch, Billy Contreras), donc on ne s’est pas limités à de la guitare – section rythmique – voix.
J’ai l’impression que la musique ça passe d’abord pour toi par des rencontres, par des voyages aussi ?
Oui ! Je passe des heures à écrire seul chez moi, tant des chansons que de la poésie ou des nouvelles, mais j’aime énormément l’idée des collaborations avec des gens que j’admire ou qui ont une démarche dans laquelle je me reconnais. J’ai récemment adapté plusieurs chansons de mon pote américain Nicholas Faraone, leader du groupe Barbarisms, songwriter vraiment hors pair. Il en a fait de même avec plusieurs de mes textes, pour un projet qu’on met en place et qui s’intitulera « Les mots qui quittent nos langues ». Rencontres, et voyages donc oui ! Les voyages sont certainement mes sources d’inspirations les plus grandes. Ce sont les voyages qui me donnent envie d’écrire, qui déclenchent l’introspection, catalysent les images poétiques et mes envies de les coucher sur papier. Un truc que je souhaite absolument faire ces prochaines années, c’est d’aller passer six mois sur les îles Kerguelen ou en Terre Adélie pour un projet d’écriture dans un contexte d’isolement absolu.
Ça te laisse encore le temps d’écouter un peu de musique ?
Eheh oui. Je suis toujours pas mal obsédé par la country et le folk, et il se passe des choses assez remarquables aux Etats-Unis en ce moment, avec des artistes qui dépoussièrent le genre tout en atteignant un public assez large. Le grand bonhomme depuis quelques mois là-bas, c’est Sturgill Simpson, que j’écoute en boucle. Des types comme Daniel Romano, Hayes Carll, Jason Isbell, John Moreland ou encore Caitlin Rose, avec qui je chante une chanson sur mon disque, font partie de cette nouvelle vague de chanteurs country qui est en train de marquer sa génération. En France au même moment, on se rend compte petit à petit de l’immense diversité de la création, à des années lumières du sentiment de « déjà entendu » qu’on peut avoir en écoutant certaines radios. Les compiles La Souterraine nous prouvent toutes les semaines que la créativité et l’originalité musicales sont à quasi tous les coins de rue en France, si on veut bien ouvrir les oreilles dans la bonne direction. C’est assez enthousiasmant pour la suite !