Si le nom de Michael Nau ne vous dit probablement rien, il a pourtant évolué au sein de deux formations depuis 2004 (Page France et Cotton Jones), avant de sortir son premier album solo début 2016 aux Etats-Unis. Bénéficiant aujourd’hui d’une sortie européenne grâce à l’excellent label Full Time Hobby, “Mowing” se révèle une excellente surprise. Mélange subtil de folk et de soul avec de légères touches électroniques, l’album nous a donné envie de rencontrer ce troubadour désormais sédentarisé. Il nous parle de la période de transition l’ayant poussé à se lancer en solo, de sa nouvelle approche du songwriting, mais aussi des compromis liés à cet album repensé pour le marché européen.
Ton premier groupe, Page France, lorgnait du côté de l’indie pop. Tu affiches maintenant plus ouvertement des influences folk. Pourrais-tu nous parler de ton apprentissage de cette musique ? Comment es-tu venu à en écouter et à aimer ce style, et à l’intégrer à ton travail ?
C’était il y a bien longtemps. J’ai pendant une longue période été intéressé par de la musique expérimentale car j’adorais bricoler mes morceaux et passer du temps sur mes machines. Il y avait une logique derrière. Petit à petit j’ai commencé à être plus touché par des disques qui donnaient l’impression d’avoir été enregistrés simplement, live en studio. Avec un son plus chaleureux. J’ai ressenti le besoin de changer mon approche des concerts pour aller dans le même sens. La suite logique était d’incorporer cette nouvelle approche à mes enregistrements. Chaque musicien présent en studio avec moi a la liberté de tenter d’amener la chanson sur laquelle on travaille vers d’autres horizons.
Tu as affirmé enregistrer des chansons sans être certain de vouloir réaliser un album. Qu’est ce qui t’a décidé a franchir le cap ?
L’idée me trottait dans la tête depuis deux ans. Et puis la vie a fait que j’ai eu d’autres projets. Et je me suis aperçu que j’avais accumulé pendant cette période tout un stock de chansons, sans m’en rendre compte au départ. Mon principal souci a été de sélectionner quelques titres tout en gardant une cohérence. Je voulais un album qui ait du sens. C’était le moment idéal car j’avais envie de passer à une autre étape de ma carrière et je ne voulais pas que tout ce travail accumulé soit vécu comme une perte de temps.
Avais-tu en un sens peur de sortir en off un album de Cotton Jones, le groupe que tu as formé avec ta femme Whitney McGraw ?
Nous avons un fils, ça rend les tournées à deux quasi impossibles. Et partir seul en tournée sous le nom de Cotton Jones ne voudrait rien dire. Les chansons du groupe perdraient de leur âme. En solo, le problème ne se pose pas. Je peux prendre la route et espérer gagner un peu d’argent. Je me sens aussi plus libre au niveau des compositions. Je suis le seul maître à bord et j’emprunte la direction qui me plaît le plus. Si je souhaite continuer à travailler dans le milieu de la musique, c’est aujourd’hui ma seule option.
Faut-il considérer ce premier album comme une compilation qui présente ton travail ?
Je voulais à la base sortir un disque de 25 titres. Certains non terminés, d’autres étant juste des fragments. Une sorte de témoignage de mon travail récent, en quelque sorte. Et puis des amis en qui j’ai confiance m’ont aidé à faire une sélection parmi tous mes enregistrements. Nous avons séquencé et masterisé des titres au fur et à mesure, et finalement le disque sonnait bien avec moins de chansons.
Les titres ont été composés sur plusieurs années. Les as-tu tous enregistrés en une session pour “Mowing”, ou bien ces enregistrements ont-ils été eux aussi étalés dans le temps ?
Nous en avons juste réenregistré quelques-unes, sinon nous avons gardé les démos, ou des versions live en studio. J’aime quand la magie opère en live. J’amène juste un semblant d’idée, et soudain quelque chose se passe car chaque musicien a apporté de sa personnalité. Je ne suis pas vraiment un dictateur avec mon groupe.
Après avoir toujours évolué en groupe, comment appréhendes-tu cette carrière en solo, ces concerts sous ton propre nom ?
Je suis tellement heureux de pouvoir continuer à faire de la musique que je n’ai pas à me plaindre. Je joue parfois en solo, mais ce n’est pas ce que je préfère le plus. J’ai la chance d’avoir un groupe qui m’accompagne en tournée. Ce sont tous des amis, tous vraiment talentueux. Nous n’avons pas passé beaucoup de temps à répéter avant de tourner car pour eux il est facile de s’approprier les chansons de l’album. Et puis je trouve qu’il est préférable de ne pas maîtriser les titres parfaitement, afin de ne pas trop s’attacher au côté purement technique et de privilégier plutôt une atmosphère qui change d’un concert à l’autre. En soi, à part le fait que je joue de nouveaux titres, ce n’est pas très différent de ce que je connais déjà.
Dans la grande tradition folk, fais-tu évoluer tes chansons lors de chaque concert ?
Oui, car c’est le moyen ultime pour prendre du plaisir en live. Je passais trop de temps à tenter de guider mes chansons par le passé. J’avais une idée fixe et je m’y accrochais jusqu’à ce que je l’atteigne. J’ai complètement arrêté de fonctionner de la sorte. Je laisse mon esprit me guider et je vois où ça me mène.
Pourquoi avoir changé la pochette pour la sortie européenne de l’album ?
C’est un ami à moi qui a réalisé le dessin sur la pochette américaine, et je ne voulais pas la changer. C’est un souhait du label. Je ne suis pas très à l’aise avec cette pochette car j’y figure avec mon fils. Cette idée ne m’aurait jamais traversé la tête. Le nouveau label trouvait la pochette initiale trop confuse. Mais je trouve justement que la situation est confuse désormais, car tu as deux pochettes différentes qui s’affichent quand tu recherches mon disque sur internet.
Le titre “Love Survive” a-t-il été ajouté au tracklisting pour les mêmes raisons ? C’est le morceau le plus “radio friendly” de l’album.
Oui, c’est aussi la maison de disques qui m’a demandé de rajouter un titre pour la version européenne. J’aime bien cette chanson. Tu sais, tout s’est passé très vite. Ils voulaient absolument que l’album sorte avant la fin de l’année afin de pouvoir en sortir un nouveau début 2017. J’ai dû prendre des décisions à la va-vite. J’avais mis cette chanson à l’écart de la version américaine car je trouvais qu’elle sonnait trop comme un single. Elle dénotait par rapport au reste de l’album. A l’époque, je ne me sentais pas prêt à sortir un titre aussi catchy. Mais attention, je suis fier de “Love Survive”.
“Love Survive” est t-il représentatif de ton prochain album ?
Pas vraiment. Il y a quelques titres plus groovy que sur “Mowing”, mais ce n’est pas la tendance générale. L’album n’est pas encore terminé, ce n’est pas évident de te donner une idée précise de la direction qu’il prendra à l’arrivée.
Te reste-t-il encore un bon stock de vieilles chansons dans lequel tu as puisé, ou bien t’es-tu lancé dans un vrais processus d’écriture d’album solo ?
Il n’y aura que des nouveaux titres, composés récemment. Il me reste un stock d’anciens titres que je souhaite publier, mais je ne sais pas encore sous quelle forme. Je ne veux pas que ces vieux titres soient présentés comme un nouvel album, mais plus comme une collection de chansons qui n’ont pas été conçue comme formant un ensemble cohérent. On verra ça plus tard.
Comme tu le disais, toi et ta compagne êtes maintenant parents. La dynamique a changé, vous ne pouvez plus passer votre vie sur la route. Ces événements ont-ils un impact sur tes nouvelles compositions ?
Tout a été bouleversé. Je passe plus de temps à la maison, et pourtant j’ai du mal à m’assoir et à me dire que je vais composer une chanson. Pourtant si je veux avancer, il faut que j’optimise le peu de temps libre que je trouve. Avant, je voyageais beaucoup et j’avais toujours du matériel avec moi pour enregistrer. L’inspiration venait d’une façon différente. J’enregistrais aussi à gauche ou à droite chez des amis, en fonction des dates de tournées. Là, j’ai dû trouver un nouveau fonctionnement !