A nouvelle formule du magazine (lancée à la rentrée), nouvelle formule du festival des Inrockuptibles. Adieu la Cigale et ses souvenirs inoubliables, coucou la Gaîté-Lyrique, plus apte à accueillir une manifestation se voulant désormais transdisciplinaire : avant-premières cinéma, rencontres littéraires, fooding… Côté musique, le festival est aujourd’hui concurrencé par de gros rassemblements indé aux moyens nettement plus importants, comme le Pitchfork début novembre. Pouvant difficilement s’offrir de gros noms, il met donc l’accent sur la découverte (sa vocation première, après tout) autour de quelques têtes d’affiche assurant le remplissage.
En entrant dans la salle ce jeudi soir, on se disait donc qu’on n’était pas à l’abri d’une bonne surprise. Avec Dani Terreur (issu de la pépinière Inrocks Lab), elle n’était, disons, ni bonne ni mauvaise. Après s’être produit en trio, ce fils de musicien est désormais seul sur scène, entre guitare, Minimoog donné par papa et machines. Les chansons ne sont pas désagréables, mais donnent un peu l’impression que le garçon voudrait s’inscrire dans les traces ambitieuses de Flavien Berger alors qu’il rappelle souvent davantage Jean-Patrick Capdevielle. Laissons-le encore un peu mûrir.
Celui qui lui succède est pour nous un complet inconnu. Rex Orange County, c’est un Anglais qui n’a même pas 20 ans et encore un peu d’acné, Alex O’Connor, originaire d’un bled du Surrey. Il s’est fait remarquer par sa participation à un album de Tyler the Creator et sa sorti cette année un album autoproduit, “Apricot Princess”. Accompagné d’un bassiste et d’un batteur, il livre quelques morceaux d’excellente facture aux thématiques adolescentes, dans un registre pop-soul-jazz. On regrette l’absence de cuivres qui étofferaient l’ensemble, mais la demi-heure de concert suffit pour se convaincre que ce jeune homme qui semble écrire des petits classiques feelgood comme il respire a un bel avenir devant lui.
Si L.A. Salami devait être lui aussi un inconnu pour beaucoup, nous l’avions pour notre part déjà repéré il y a un an avec sa coupe à la Basquiat et son copieux premier album, “Dancing with Bad Grammar”. A l’époque, il se produisait seul avec sa guitare et son harmonica, et avec suffisamment de charisme et de grandes chansons pour emporter le morceau. Il est cette fois-ci accompagné de trois musiciens au look hobo chic qui semblent bien s’éclater, chante toujours aussi magnifiquement et interprète essentiellement des extraits d’un nouvel album pas encore sorti. Si l’on peut comprendre son envie de jeu collectif après des années en solo, c’est quand il revient, le temps d’une chanson, à ce dépouillement originel qu’il touche en plein cœur. D’une brièveté un peu frustrante, le concert donne très envie de le revoir – ça tombe bien, il sera de retour en France en mai prochain.
Egalement venu d’outre-Manche, Otzeki se présente en duo : Mike (voix, guitare) et son cousin Joel (claviers). Une formule qui a déjà fait le succès des Pet Shop Boys ou des Sleaford Mods. A défaut d’être très original, leur électro-rock forcément minimaliste s’avère plutôt efficace. Si Joel se contente de bouger un peu derrière ses instruments, Mike sort, lui, le grand jeu. Sur les morceaux où il ne joue pas de guitare, il fait de grands gestes, arpente la scène de long et large et n’hésite pas à descendre dans la fosse à plusieurs reprises pour se mêler au public. Assez impressionnant.
En voyant les quatre Ecossais de Django Django arriver sur scène, difficile de ne pas penser à leurs collègues anglais de Hot Chip : têtes de voisins de palier, look très personnel (mocassins et dress code noir et blanc), impressionnante tour de claviers et machines sur le côté gauche de la scène. Si sa musique est un peu moins dansante dans son essence, le groupe, humble et généreux, n’a aucun mal à faire bouger un public qui, dans sa très grande majorité, doit être venu pour lui. Des vidéos aux motifs hypnotiques, généralement géométriques, accompagnent la douzaine de morceaux, dont les classiques attendus, en grande partie du premier album de 2012 – “Default”, “WOR”, “First Light” ou l’arabisant, irrésistible et quasi instrumental “Skies over Cairo” – et quelques nouveaux titres qu’on retrouvera sans doute sur le prochain, “Marble Skies”, prévu pour janvier. Là aussi, le concert ressemble à un tour de chauffe avant la tournée à venir. Autant dire qu’on peut en attendre le meilleur.