Vendredi 31 août
Les grandes villes étant ce qu’elles sont, les ralentissements à la sortie de Bordeaux pour accomplir le périple jusqu’au Black Bass nous feront manquer les premiers concerts du festival, ce qui est bien dommage pour Cannibale, le groupe jouissant d’une belle réputation. On arrive donc juste à temps pour Swedish Death Candy, qui comme son nom ne l’indique pas du tout est un groupe anglais. D’obédience garage rock ascendance psyché, le quatuor est plutôt très au point et marie rythmique de plomb et solos de guitare qui déclenchent leur lot de headbangings dans la foule. C’est parfaitement efficace, et le groupe est une belle machine scénique qui remporte largement les suffrages.
Ils sont attendus à plus d’un titre, et leur set s’avère d’une durée exceptionnelle pour le Black Bass Festival : les Néerlandais de Birth of Joy ont en effet demandé et obtenu de jouer une heure et demie, chose inédite pour le festival. Ils ont accompli cette longue tâche avec beaucoup de bonheur, et ces jeunes gens fans de groupes de “vieux” – le T-shirt du MC5 ne trompe pas sur le style – ont déroulent ainsi un rock parfaitement huilé, avec un orgue en soutien de la batterie et de la guitare. La grande scène ne leur fait pas peur du tout, et si le leader de la formation Kevin Stunnenberg insiste sur sa fatigue et son lever aux aurores, il n’en transparaît rien. Le set est très bien conçu, on en ressort ravi car la montée en puissance y était très bien maîtrisée : une heure et demie de rock old school, mais toujours vert.
Retour ensuite sur la petite scène a lieu pour le concert de It It Anita, des Belges qui viennent de sortir leur nouvel album “Laurent”, chez Vicious Circle (qui bon an mal an place un groupe dans l’affiche du Black Bass). Les quatre musiciens ont plus que fait honneur à ce que j’avais lu de leur talent scénique, offrant une prestation absolument dévastatrice, jouant fort et juste un rock très 90’s, avec des influences sensibles de Fugazi ou Sonic Youth. Le disque est excellent, et le live prend une telle ampleur que les pogos se forment spontanément, ce qui est logique étant donné les déflagrations que sont “User Guide”, “Say No” ou “Cancelled Mission”. Terminé dans la foule, dans la fureur, ce set de It It Anita aura marqué les esprits : à ne pas manquer s’ils passent par chez vous !
La clôture de la journée était confiée aux Psychotic Monks, que l’on a collectivement loupés à Rock en Seine, mais que j’avais à titre personnel l’occasion ici de revoir. Dans la pénombre, les quatre musiciens ont eux aussi signé une brillante prestation, dans des nuances qui allaient du post-rock au shoegaze, avec quelques ruades à la Black Rebel Motorcycle Club. On sent vite que le groupe possède déjà une immense maturité, qui n’a pour autant pas affecté sa fougue : quand il faut lâcher les chevaux, les Moines y vont franchement, avec des tempêtes de guitares saturées et un clavier qui amène un supplément d’énergie noire. Les sommets que sont “It’s Gone” ou “We Will Fall” sont faits de creux et de sommets vertigineux, signes d’un très gros travail sur les atmosphères. Un avenir brillant s’ouvre pour les quatre… qui sortiront leur prochain disque au printemps chez Vicious Circle – comme quoi ! Une très belle conclusion pour cette première soirée de très haute volée, une des plus belles du festival sans aucun doute.
Samedi 1er septembre
La nuit de repos était nécessaire pour être d’aplomb, et à l’heure en plus pour entendre I Am Stramgram qui ouvrait la soirée (le festival proposait un après-midi off). Le duo guitare acoustique / batterie sonne presque décalé par rapport aux autres groupes forcément plus électriques, mais cela sonne plutôt bien. A défaut d’être complètement renversant, Vincent Jouffroy s’amuse à interpeller le public (peut-être un peu trop), mais il a surtout quelques jolies mélodies sous le coude (“Empty Houses”, “Serra’s Snake” en tête).
La suite de la soirée est dévolue à Pamplemousse, trio venu de la Réunion (quid de l’empreinte carbone ?), dans une veine rock très 90’s pas déplaisante au demeurant. Si des courageux headbanguent, je reste un peu en retrait, pas totalement convaincu malgré l’évidente sincérité et générosité du trio. La suite était apparemment attendue, en tout cas un mini-événement : la venue de Lane, groupe formé par deux anciens Thugs, entourés de musiciens plus jeunes. Mais en fait, cela sonne assez plat, l’ennui gagne vite le public (très clairsemé à ce moment-là), et je ne retiens rien ou presque de cette heure de power-pop un peu balourde. Pause, prolongée par le Air Guitar, et reprise des choses sérieuses avec 1000Mods.
Les amplis présents sur scène donnent un bon indice de ce qui attend le public, et dès les premières notes, qui plaquent au sol autant qu’elles peuvent faire décoller, on se trouve en terre stoner, voire complètement psyché. Groupe apparemment très réputé sur le circuit, il constitue en effet un sommet du festival par sa puissance, son énergie qui emporte tout, et des titres comme “Vidage” ou “Electric Carve” ont ce qu’il faut pour les amener très loin. Toujours est-il que leur tournée de printemps les a fait passer déjà par le Hellfest, et à n’en pas douter, d’autres festivals pourraient bien être intéressés par ce rock surpuissant, jamais bourrin pour autant.
La tension retombe quelque peu pour le trio Toybloïd, dont je ne savis rien avant d’assister à leur prestation. On est clairement sur un punk-rock bien plus basique, moins méchant que nos Grecs quelques minutes avant. Ce n’est pas déplaisant, tout juste un peu incongru dans le programme, mais leur mélodies qui évoquent (en plus musclé) la scène des “punks à roulettes” de la fin des 90’s font preuve d’efficacité. Pas sûr qu’on les retienne longtemps, mais c’est une transition agréable avant la fin du festival.
Cette conclusion est en effet confiée à Hangman’s Chair, qui a visiblement marqué les esprits ces derniers mois avec “Banlieue triste”, un bel hommage à toute la scène sludge, avec des titres poisseux, noyés sous des guitares et une rythmique implacables. Les amateurs d’Alice in Chains, voire d’un son plus franchement métal, ont de quoi se régaler avec cette heure de musique un peu plombante, toutefois animée par le jeu excessif du bassiste (il fait du shadow boxing après chaque note ou presque). Quelques sommets comme “Naive” ou “Dripping Low” ressortent clairement de ce set, conclusion musclée d’un festival qui ne transige pas niveau programmation et décibels. C’est ainsi sans doute que le Black Bass a su trouver sa place dans un paysage très changeant, mais aussi par la qualité du son, du site et de son accueil. On espère donc pouvoir dire : à l’année prochaine !