LABRADFORD – Fixed :: context
(Blast First/ Mute/Labels)
A l’heure où Tortoise fait un triomphe à l’Elysée Montmartre, il est temps de se pencher sur Labradford – trio de Richmond (Virginie) – qui, avec son cinquième album, conduit le post-rock vers des terres vides mais sereines ; le XXIème siècle peut commencer !
Au niveau visuel, Labradford donne dans la sobriété. Le graphisme de la pochette est fin et minimal et le fonds est noir. Il n’y a ni livret ni photos, ni textes ; de toute façon sur ce disque Labradford ne chante pas ! La seule inscription qui attire un peu l’oeil est la présence de Steve Albini dans le projet -" recorded and mixed with… ". On se demande d’abord ce que ce pourvoyeur de guitares offensives (Pixies, Nirvana, PJ Harvey, Fugazi etc.) fait sur les longues plages de clavier de Labradford. Il se dore la pillule à 100 dollars de l’heure ? Eh bien non, on l’imagine finalement assez bien compresser et tailler en pointes des bouts d’arpèges de Mark Nelson (guitare et héros de l’album) ou encore veiller à ce que chaque chose soit à sa place ; ici une boucle infra-basse, là un rythme embryonnaire. En fait, Steve Albini et Labradford – qui ont déjà travaillé ensemble – prouvent une nouvelle fois qu’ils n’ont pas peur du vide. Paradoxalement, c’est même une certaine qualité de silence que l’on savoure sur ces quatre morceaux d’une durée totale de 38 minutes. Difficile de mettre en avant un titre plutôt qu’un autre, l’album est homogène et la musique de Labradford consiste en une succession de motifs musicaux qui se superposent sans heurts. Ces climats apaisés et apaisants sont évidemment propices à la rêverie et à certains voyages mais attention: n’allez pas embêter Labradford avec les navettes spatiales dans les étoiles et tout ça: ils vous diront invariablement qu’ils s’en foutent, que seule les intéresse l’épopée de la conquête de l’automobile au XXème… Faut-il y voir une bravade à l’adresse de leurs amis Tortoise, basés à Chicago -capitale mondiale de l’automobile ? Le mystère Labradford reste entier.
Quoiqu’il en soit, on ne remerciera jamais assez ces groupes pour le courage qu’ils ont de s’engager hors des chemins battus par l’industrie du disque, et pour ce don de transformer le vide en de magnifiques silences fertiles.
Thomas Seron
Twenty
Up to Pizmo
David
Wien