LEONARD COHEN – Ten New Songs
(Columbia/Sony)
Cela faisait 9 ans que les fans devaient se contenter de miettes, substantielles les miettes j’en conviens (un live et deux best of) mais miettes quand même. Depuis la sortie de « The Future » en 1992 Le canadien exilé en Californie s’était fait discret, très discret. À tel point que les moines de la communauté zen qu’il a rejointe l’on renommé « Jikan » (le silencieux). Et les 30 premières secondes de « My Secret Life » le morceau qui ouvre « Ten New Songs » corrobore cette volonté de silence, d’effacement, puisque, même si l’on reconnaît la patte du maître dans la mélodie lente et alanguie, c’est la voix de Sharon Robinson (collaboratrice de longue date) qui accueille les visiteurs. Mais après cela, tout s’arrange et la voix sombre, enfumée et si reconnaissable de Leonard Cohen rappelle qu’il n’y a qu’un maître à bord. " Ten new songs " c’est le changement dans la continuité, la force tranquille. La pochette est hideuse (comme d’habitude), la production a été faite avec des moufles sur les mains des techniciens et des casques de chantier sur leurs oreilles (comme d’habitude), les guitares se la jouent espagnole d’abord puis country (comme d’habitude) mais la voix du maître et ses textes beaux à en pleurer emportent tout sur leur passage. Impossible de résister à la beauté de « A Thousand Kisses Deep » .
« Ten New Songs » explore les recoins sombres du beautiful loser entre pertes, beautés fragiles et échecs assumés Cohen se promène et change de rôle. Du poivrot largué de « That don’t make it Junk » au crooner abandonné par ses fans de « Here It Is » et de « By The Rivers Dark » il assume tous les atours du poète vagabond. Il se complaît dans la langueur du type un peu perdu dans son chemin de vie et qui a décidé de faire une pause (si possible dans un bar louche). Véritables hymnes au laisser-aller les chansons de Cohen contemplent tout autant qu’elles décrivent. Comme un vieux sage qui sait de quoi la vie est faite mais ne veut pas effrayer ses disciples, Cohen se laisse aller à quelques commentaires désabusés mais les emballe dans le miel de sa voix d’or pour mieux faire passer la pilule. Un peu comme un feu de cheminée en hiver « Ten New Songs » est chaud et rassurant dans un univers implacablement froid.
Gildas
In My Secret Life
A Thousand Kisses Deep
That Don’t Make It Junk
Here It Is
Love Itself
By The Rivers Dark
Alexandra Leaving
You Have Loved Enough
Boogie Street
The Land Of Plenty