BONNIE "PRINCE" BILLY – I See A Darkness
(Domino/Labels)
De deux choses l’une. Soit on ne connait pas Will Oldham et on prend sa musique au premier degré, genre "Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir…". Ou alors on se souvient avoir déjà croisé ce gars-là, ce maniaque de l’hétéronymie qui a réussi à nous faire oublier tous les pseudo-cowboys et leur poussière tellement artificielle qu’elle nous faisaient vomir la country par les oreilles. Si vous optez pour la seconde proposition, vous sautez illico sur les freins, vous attendez que votre tacot achève sa course dans l’ornière, et vous matez dans le rétro pour vérifier que votre vision n’est pas due à la fatigue. Une fois le nuage de poussière emporté par le vent sec, vous constatez que vous ne vous etes pas gouré. Vous reconnaissez le bonhomme, le meme qui se faisait naguère appeler Palace, Palace Brothers, Palace Songs et autre Rising Shotgun. Il met bien dix plombes à se bouger vers la bagnole, et fini par poser sa guenille sur le siège du mort. "Hi, I’m Bonnie Prince Billy". Et moi je suis Brian Beach Wilson ! On vient à peine de remettre la bagnole en branle qu’il sort de son vieux denim une cassette et l’enfourne dans l’autoradio sans demander rien à personne. S’en échappe une musique qu’on connait par coeur, pas originale pour deux sous, mais aussi touchante qu’elle est simple. Il se met à chanter à son rythme, c’est-à-dire à deux miles à l’heure. On roule à la meme vitesse pour ne pas que le moulin ne nous fasse louper une miette de ce que ce Bonnie Machin Truc a cette fois à nous raconter. De toute facon, on ne peut guère rouler à tombeau ouvert sur ces chemins défoncés, les seuls ou l’on peut croiser l’homme Bonnie. Au fond, c’est toujours un peu la meme rangaine qu’il nous raconte, le père Oldham. La seule différence peut-etre – s’il faut a tout prix différencier le noir du noir foncé – c’est qu’ici Will Oldham semble entre plus seul que d’habitude, tant la musique est en retrait, réduite au munimum syndical. Quasiment plus de guitare, ne reste que le carcasse (batterie, basse, piano) comme rythmique. Résultat, on fait sans doute un peu plus attention à ce qu’il nous raconte, et on a bien raison car l’écriture est d’une beauté terrifiante. Will Oldham est un sacré filou, tapi dans son ombre, rigolant à l’idée que certains ne voient en lui qu’un mélancolique de plus, encore un de ces loqueteux qui se complaisent à compter et re-conter leurs larmes devant le verni décati de leur guitare. Avare en larmes, il n’épargne pas les vacheries, pour ses congérères ou pour lui-meme. Et puis on a fini par piger que Will Oldham, le vrai, l’unique, n’est pas planqué derrière un quelconque Mister Palace ou un mystérieux Prince Billy. Will n’est aucun de ceux-là, et il est tout ça à la fois. Nous, on lui reservera toujours la meilleure place dans notre vieux truck ricain, celle qui lui va à ravir : la place du mort (de rire).
Philippe Garnier
A Minor Place
Nomadic revery (All Around)
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Another Day Full Of Dread
Death Of Everyone
Knockturne
Madeleine-Mary
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Black
Raining In Darling