ALPHA – Stargazing
(Catalogue/Wagram)
Il faudra un jour qu’un musicologue avisé, acquis à la cause des musiques populaires, se penche sur l’énigme de la constellation née de l’écume de la mouvance de Wild Bunch et Massive Attack, non pas tant pour discuter l’étiquette désuette du trip-hop que pour comprendre pourquoi les meilleurs fruits de cette génération plus ou moins spontanée ont été les premiers. Si je laisse de côté l’épineux dossier Massive Attack ("100th window", alors ?), on ne m’accusera pas de trop grande partialité si j’affirme que "Dummy" (Portishead), "Maxinquaye" (Tricky) ou "Londinium" (Archive) ont été autant de coups d’éclats fascinants à la hauteur desquels les œuvres suivantes des différents protagonistes n’ont pu se hisser. Le cas d’école extrême est représenté par Earthling dont l’excellent "Radar" signa la mort du groupe, et l’on peut craindre pour le prochain Godfrapp… Il faudrait sans doute chercher un début d’explication à cet affaiblissement du côté du soin maniaque de ces différents musiciens qui, sur la base d’un grand renouvellement technique (l’usage multiple du sampler, par exemple), ont cherché d’emblée la perfection de la forme et de la production, au risque de ne pouvoir faire mieux ensuite que de poursuivre la beauté d’un premier songe. La division Alpha, plus lucide ou plus modeste, après la splendeur de son premier-né "Come from heaven", plaçait sous le signe d’un "frisson impossible" la suite de ses aventures, et faisait bien, car d’une certaine manière, elle se contentait (mais c’est déjà beaucoup quand on part de cette hauteur), de prolonger les perspectives abyssales de sa musique, mélange d’éther et d’élégance ; le disque était loin d’être insignifiant mais on y sentait une certaine baisse de régime. Qu’attendre alors du troisième album ? Eh bien, il faut l’avouer, un certain nombre de petits changements qui sont les signes d’un renouvellement tout en douceur. Dès la première écoute, j’ai été agréablement surpris par la tenue d’ensemble de ce troisième opus, sur lequel les compositions sont plus fluides que naguère : alors que le précédent LP croulait un peu sous des couches d’arrangement qui étouffaient les morceaux, la composition se resserre ici autour d’un format chanson plus évident, comme si le groupe acceptait plus sereinement d’entrer dans la lumière, confiant dans les dons de sa muse et prêt à s’abandonner à elle avec un je-ne-sais-quoi de léger qui fait vraiment plaisir à entendre de la part d’un groupe qu’on a voulu faire passer pour austère. Certains arrangements à la limite de l’easy-listening semblent même laisser pointer une frivolité nouvelle, chaleureuse et mutine, revigorante en ces temps de giboulées politiques. Le propos, plus accessible aussi, est toujours admirablement servi par ses interprètes habituels auxquels vient s’adjoindre ici la superbe voix "soul" de Kelvin Swaybe le temps d’un "Elvis" qui constitue, à n’en pas douter, l’un des sommets du disque. Face à ce nouvel arrivant, les autres interprètes rivalisent de grâce, et les morceaux s’enchaînent avec aisance : "Lipstick From The Asylum", "Silver Light/ Say When", le délicieusement torride "I Just Wanna Make You" ou encore "Blue Autumn" démontrent de façon définitive qu’Alpha n’a plus peur de l’ombre que son premier disque avait pu jeter sur sa jeune carrière. Si "Come From Heaven" est l’un des disques que je préfère écouter avant de m’endormir, sorte de viatique pour les plus doux rêves, je crois que je réserverai celui-ci à des occasions plus tendres. Et vous ?
David
Sleepdust
Once round town
Lipstick from the asylum
A perfect end
Elvis
As far as you can
Saturn in rain
Waiting
Silver light / Say when
I just wanna make you
Vers toi
Double view
Blue autumn
Portable living room