JÉRÉMIE KISLING – Monsieur Obsolète
(Note A Bene / Naïve)- [site]
Jérémie Kisling est un drôle d’oiseau suisse, au plumage raréfié, au ramage désenchanté, qui prend d’emblée pour étendard une certaine forme de désuétude des sons et des mots. Plus suranné que Keren Ann, car carrément "obsolète", il commence là où finit Henri Salvador, par un éloge des "thés dansants et des mesdames en dentelles", numéro de clown doux-amer sur les aléas de sa séduction de trentenaire. Mais comme le (néanmoins) jeune homme porte beau et chante clair, on se doute bien qu’il ne s’agit là que d’une pose paradoxalement avantageuse qui saura lui rallier les suffrages d’un large public, féminin et sans doute pas exclusivement. Sur des accords légers de swing (orgue Hammond, cuivres, Moog et Wurlitzer), Monsieur Obsolète laisse vagabonder des humeurs rêveuses et délicates, parfois charmeuses ("La liste", "Carambar", "Le bon moment"), parfois un brin affectées ("Le sens des affaires", "Les courants d’air"), avec régulièrement de réels bonheurs de plume ("les filles, c’est chouette, ça colle aux dents", "je ne suis ni preux ni chevalier, j’ai un fâcheux point de côté, pour aller dégommer tous les méchants, ce n’est pas le bon moment"). Dans ses meilleurs moments, la production du disque rappelle un peu celle, déjà décalée et ironique, du "Casanova" de Divine Comedy, mais Kisling lui ajoute une touche personnelle, une sorte de glacis mélancolique, un je-ne-sais-quoi de suspendu, d’obsession fixe, qui donne une véritable singularité à son travail.
David
Prélude
J’ai trente ans
La liste
Le sens des affaires
Carambar
Les abeilles
Les courants d’air
Le manège
Le bonnet
Ordinaire
1986
Le bon moment
(morceau caché)