V/A – Indomania
(Ardisong / Naïve)
L’Inde est tendance. Quel routard en vadrouille au Rajastan n’a pas passé une nuit dans l’un des nombreux palais de maharadjahs reconvertis en chambres d’hôte ? Qui n’a pas ri aux gags tandoori de Peter Sellars dans The Party ? Manquait toutefois une B.O. pour « habiller » tous ces bons moments. Béatrice Ardisson, reine de la branchitude lounge, comble ce vide grâce à une compil’ poilante qui mélange reprises de tubes planétaires, curiosités made in Bollywood, hits banghra…
Ça commence fort avec l’amusante reprise de Sex Machine (« Get Up »), épicée à la sauce curry. Le thème de « Mission Impossible » alterne avec habileté ambiances envoûtantes et saillies rap (dans la version des Limp Bizkit). « L’Eté Indien » (« Indian Summer ») tient ici la route, à se demander si Joe Dassin n’aurait pas mieux fait de traîner son vague à l’âme au Bengale plutôt qu’en Nouvelle Angleterre. L’épatant « Jugni », calqué sur le funk de « Billie Jean », met le feu à la piste. La plage n°7 (ce titre…) laisse entendre une voix de diva kitsch, qu’on imagine comme une sorte de Nana Mouskouri en sari avec une chevelure de jais tombant jusqu’aux chevilles.
Puis c’est la musique de K2000 du célèbre Punjabi MC, banghra (variété indienne à la sauce électronique) jouée à la sitar, qui s’invite sur les dancefloors de Dehli. On imagine un David Hasselhoff gras comme un loukoum se balançant en rythme au volant de sa voiture parlante repeinte en rose fuschia, avec un Ghanesh en plastique accroché au pare-brise.
« Husan » nous fait entendre une sorte de rap indien boosté par une grosse sono et des chœurs féminins aguicheurs. Le groupe Dead or Alive fait une bonne reprise de Prince (« Pop Life ») mais le comble du kitsch est atteint avec Pascal of Bollywood, chanteur français devenu star en Inde. Ici, il livre une roucoulade kitschissime, cerise confite sur la montagne de chantilly : « Mozart India ».
On l’a compris, difficile d’éviter les clichés dans ce genre d’exercice. Inévitablement nous viennent à l’esprit toutes les images d’Epinal du sous-continent (si l’on puit dire) : les nanars de Bollywood, les divinités à têtes d’animaux, les femmes en sari, les princes perchés sur leurs éléphants, les pélerins au bord du Gange… La moindre note de sitar plonge nos oreilles occidentales dans un flot de clichés aussi sirupeux que les mélos tournés à Bollywood. Mais ça marche. L’exotisme est toc, mais on tombe dans le panneau. Certes, les procédés indouisants sont un peu vains sur certains morceaux (« Light my Fire » ou « My Way »). Certes, passé l’exotisme de la première écoute, l’oreille finit par se lasser des « dzouiiing » et des « spoiiing » nasillardes des sitars et tablas. Mais Indomania a une vertu euphorisante indéniable. Après les hippies de Bénarès, après les ravers de Goha, l’Inde a gagné de nouveaux amis blancs : les bobos parisiens abonnés à Paris Première.
Vincent Noyoux
Sounds Super Recordings – Cornershop
Get Up – Badmarsh & Shri
Tomorrow Never Knows – Studio Pagol
Mission Impossible – Nt Edit & Dj Hit One
Indian Summer – Vasundhara Das
Jugni – Malkit Singh
Thoda Reshyam Lagta Hai – Lata Mangeshkar
Mundian to Bach Ke – Panjabi Mc
Mathar – The Dave Pike Set
Husan – Husan
So Lonely – Jakatta
Pop Life – Dead or Alive
Trust in Me – Susheela Raman
Tomorrow Never Knows – Monsoon feat. Sheila Chandra
Mozart India – Pascal of Bollywood
Funkin’ for India – Chris de Multifunkshun
Light My Fire – Ananda Shankar
My Way – Opium Jukebox